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tradition, elle s’accorde mieux que l’ancienne avec l’état réel des choses, et elle parle davantage à l’esprit des habitans de cette ruche laborieuse.

À trois ou quatre kilomètres de Villeneuvette, les ouvriers de Clermont-l’Hérault trouvent encore leur principale occupation dans les fournitures militaires ; mais quelques maisons fabriquent en outre des draps unis pour le Levant et des étoiles communes pour l’intérieur. L’industrie se rattache donc d’un côté au genre de Lodève, et de l’autre au genre de Bédarieux. Dans le même département, à Saint-Chinian, les tisserands se rapprochent plus spécialement de la seconde de ces villes ; on y fabrique ces grosses étoffes jaunâtres, ces espèces de castorines si recherchées par les populations maritimes du midi.

Dans le rayon de Mazamet, il existe une localité manufacturière qui comptait dans la fabrication longtemps avant la nouvelle cité industrielle du Tarn, et qui s’est vue rapidement effacer par sa jeune et vigoureuse rivale. Je veux parler de Castres, de cette ville bâtie ou plutôt suspendue sur la rivière de l’Agout, et dont les ouvriers, renommés pour leurs draps appelés cuirs de laine, jouissaient jadis en paix de leur réputation et des fruits de leur travail. Malgré d’honorables efforts pour améliorer les conditions de leur industrie, les fabricans n’ayant pas réussi à étendre le cercle de leurs affaires, les tisserands de la cité castraise tombent chaque jour de plus en plus sous la dépendance de Mazamet, qui en fait déjà travailler un certain nombre[1].

Je pourrais énumérer d’autres fabriques d’étoffes de laine ne dépendant ni de l’une ni de l’autre des trois villes maîtresses de cette industrie ; mais le régime du travail n’y offre aucun trait saillant. En général même, l’état de ces manufactures reste stationnaire, quand la décadence n’y est pas manifeste. Ainsi, dans l’Aude, à Carcassonne, dont les draps noirs communs sont pourtant estimés, la fabrique n’ajoute plus rien depuis longtemps à son ancien domaine ; à Limoux, deux ou trois cents ouvriers vivent précairement autour de petits ateliers manquant de capitaux. La situation est encore plus difficile à Chalabre, dans le voisinage de Limoux. La grosse draperie de Rhodez, de Saint-Geniez, d’Espalion et de Sainte-Affrique, dans l’Aveyron, reste circonscrite dans une étroite arène. La somptueuse cité de Montpellier, qui n’est pas une ville de manufactures, mais une ville d’université, se rattache néanmoins au mouvement industriel du pays par la fabrication des couvertures de laine, qui a lieu dans

  1. On confectionne toujours à Castres des cuirs de laine ; j’y ai vu une étoffe d’un genre spécial, dont la chaîne est en fil de lin ou de chanvre, et la trame en fil de coton.