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marché distingue tous ces produits[1]. Sans doute il ne faut pas demander ici la perfection de la draperie du nord de la France ; mais les étoffes communes sont aussi une utile et lucrative spécialité.

Le travail des ouvriers de Bédarieux porte sur 500,000 kilos environ de laine par année, et donne lieu à 8 ou 9 millions de francs d’affaires. On compte dans la ville de 14 à 16 grandes maisons de fabrique. L’outillage des filatures semble un peu arriéré, quand on le rapproche de celui de nos établissemens de la Flandre, de la Champagne et de l’Alsace. Tous les appareils mécaniques sont mus par l’eau. Aucun atelier ne réunit plus de 150 à 200 ouvriers, en comptant les femmes et les enfans. Le tissage ne s’effectue qu’à bras, quelquefois en fabrique, le plus souvent au domicile du tisserand, surtout pour les articles unis. Les ateliers de Bédarieux sont en activité toute l’année, à moins d’obstacles matériels tenant à la sécheresse qui tarit la rivière de l’Orbe, sur laquelle les moteurs sont installés, ou bien à des pluies qui empêchent de sécher les draps.

Les produits fabriqués par les ouvriers de Bédarieux s’écoulent facilement. Les manufacturiers de cette ville exportent d’abord une assez notable partie de leurs draps unis soit dans le Levant, soit sur la côte septentrionale de l’Afrique. Les commandes du Levant arrivent par l’intermédiaire des commissionnaires de Marseille. Tandis que nos possessions d’Afrique deviennent un marché de plus en plus important pour Bédarieux, on s’y plaint au contraire que les débouchés orientaux tendent à se resserrer depuis une douzaine d’années[2]. Les articles de nouveautés, les lainettes et les flanelles, se placent presque exclusivement à l’intérieur. Le cercle de la consommation embrasse tout le midi de la France et une partie de nos régions centrales. La célèbre foire de Beaucaire et surtout les foires de Toulouse, qui prennent chaque année une nouvelle extension, sont d’une extrême importance pour Bédarieux. Les étoffes de nouveautés viennent par masses à Paris, dans les maisons de confection d’habillement, obligées par leurs prix de vente de rechercher le bon marché. Presque tous les draps pour casquettes sont également consommés par les ateliers de la capitale, qui répandent ensuite leurs produits sur toute la surface de la France. L’étendue de ces débouchés assure le travail des ouvriers de cette fabrique. Son rapide développement atteste d’ailleurs en elle une remarquable aptitude manufacturière,

  1. Le prix des draps descend jusqu’à 4 fr. le mètre, il ne monte jamais au-dessus de 10 ou 12 fr.
  2. Les fabricans de Bédarieux réclament vivement contre des difficultés douanières soulevées à Marseille pour le calcul des drawbacks, c’est-à-dire pour la restitution, au moment de l’exportation, du droit perçu à l’entrée sur les laines étrangères. Ces réclamations ont été déférées, par l’intermédiaire de la chambre de commerce de Marseille, à l’autorité supérieure, juge de la question.