Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

favoriser ce genre d’exploitation; à quoi le gouvernement répondait : «L’administration avait devancé ce vœu; dès l’année 1843, elle avait envoyé en Algérie des graines de toutes les variétés cultivées en Amérique et dans tout l’Orient. Des expériences comparatives devaient être faites dans toutes les pépinières du gouvernement, et des graines distribuées aux cultivateurs qui voudraient également faire des expériences. » L’extension des cultures pendant les deux dernières campagnes s’explique par les excitations et les avantages extraordinaires prodigués aux colons. De pareils sacrifices auraient leur utilité, s’il fallait seulement constater l’aptitude naturelle du sol algérien à la production du coton; mais le fait est indubitable, et la difficulté n’est plus là. Le problème est non pas agronomique, mais commercial. Il s’agit de démontrer que des cotons produits en Algérie sur une assez vaste échelle pour venir en aide à l’industrie métropolitaine peuvent être vendus sur la place du Havre avec un bénéfice suffisant pour le planteur, et malgré la concurrence des cotons américains. Or il nous semble que l’intervention du gouvernement, les primes et les faveurs qu’il prodigue tendent à fausser l’expérience en atténuant les charges des producteurs, en dénaturant les élémens du prix de revient.

Ce n’est pas sans quelque embarras que nous développons cette opinion. Nous ne voudrions pas que nos observations fussent prises pour une critique de l’administration algérienne, qui, après tout, ne mérite en cette affaire que des éloges pour ses bonnes intentions. Ajoutons que les renseignemens sur la culture cotonnière sont très difficiles à recueillir. Nous devons déclarer, en ce qui nous concerne personnellement, que depuis plusieurs années nous avons recherché toutes les occasions de consulter les hommes et les livres, sans recueillir des notions vraiment instructives surtout au point de vue de la spéculation. Des agronomes justement renommés, des voyageurs, des négocians, nous ont avoué leur insuffisance sur ce point. Les traités spéciaux, en fort petit nombre, ne paraissent pas découler d’une expérience personnelle, à l’exception toutefois d’une excellente petite brochure de M. Pelouze père, publiée en 1838. Un livre ou un journal venant d’Amérique nous est rarement tombé dans les mains sans que nous l’ayons consulté sur le sujet qui nous préoccupe, et, chose surprenante, nous n’avons recueilli par cette voie aucune information précise. En général, les Américains sont sobres de détails sur leur économie agricole : il faudrait parler de l’esclavage, et c’est là une plaie qu’ils cachent comme un mal honteux. L’administration algérienne a donc été réduite à se mouvoir dans l’inconnu.

Le doute existe encore jusque sur la nature du cotonnier et le genre de traitement qui lui convient en Afrique. Les premières