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fournissant une longueur de plus de 120,000 mètres pour une livre de 500 grammes : c’est le georgie-longue-soie, autrement dit sea-islands, parce qu’il est principalement recueilli dans les îlots semés sur les côtes de la Caroline et de la Géorgie. Mais la récolte de cette qualité supérieure est très limitée : elle ne dépasse pas 4,500,000 kilogrammes, chiffre qui n’a pas même été atteint l’année dernière. Rare et demandée en Europe, elle s’y maintient à des prix élevés: son cours actuel sur la place du Havre est de 7 à 8 fr. le kilogramme, et elle sera cotée plus haut encore à mesure que le besoin des filés très fins sera plus généralement senti.

Fiers de leur sea-islands, les Américains ont eu quelque velléité d’en étendre la culture; mais les terrains favorables à cette spécialité leur manquent. Les tentatives faites dans l’Inde anglaise pour acclimater cette belle espèce ont échoué complètement. Les longues soies auraient pu être remplacées jusqu’à un certain point par les cotons d’Egypte, car il y a sans doute identité d’origine entre les jumel et le sea-islands, mais les provenances égyptiennes se sont peu à peu abâtardies. Eh bien ! ces riches duvets que réclame l’industrie française, notre Algérie offre des ressources particulières pour les produire. Les filamens du cotonnier y acquièrent aisément les qualités précieuses des plus belles espèces d’Amérique, ce qu’on peut attribuer aux exhalaisons salines sur le littoral et aux eaux salées répandues dans l’intérieur des terres. La chambre de commerce de Mulhouse, appelée récemment à examiner des échantillons soumis par le préfet d’Alger, s’est exprimée ainsi par l’organe de M. Schlumberger : « Le coton en laine qui nous a été envoyé a un brin fin, égal, long et soyeux; il rivaliserait certainement avec le georgie-longue-soie d’Amérique, si le brin était plus nerveux; son infériorité sur ce point disparaîtra sans doute par de meilleurs procédés de culture. Les résultats obtenus à la filature n’ont rien laissé à désirer[1]. » Ces mêmes échantillons ont été estimés par experts à 6 ou 7 francs le kilogramme, évaluation élevée, et d’autant plus surprenante que les Algériens n’appliquent pas encore au nettoyage du coton les soins minutieux et les dépenses excessives prodigués par les Américains quand ils veulent obtenir des qualités hors ligne.

Le doute ne peut donc exister sur la possibilité de féconder le cotonnier en Algérie; mais parviendra-t-on à produire du coton marchand, c’est-à-dire une marchandise obtenue à des prix tels que son placement en Europe soit certain et lucratif?

Ne nous abusons pas. Au point où les Américains ont conduit ce

  1. Les cotons algériens ont été filés, en effet, jusqu’à 300,000 mètres, degré de finesse qui dépasse de beaucoup le besoin de l’industrie.