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la concurrence étrangère[1]. Vers 1830, on exportait déjà 136 millions de kilogrammes. Après 1836, les récoltes dépassent 200 mil- lions. De lSh’2 à 1851 inclusivement, la moyenne décennale monte à 376 millions. Pendant la campagne 1851-52[2], les planteurs, favorisés par la saison, livrent au commerce 542 millions de kilogrammes. Grâce à la fièvre industrielle qui se propage en Europe, ils tiennent leur marchandise à bon prix, et en tirent 594 millions de francs. Enfin pour la campagne de 1853, close en septembre, et dont les résultats viennent d’être officiellement constatés, on arrive à 587 millions de kilogrammes, et comme les prix, quoique un peu affaiblis, sont encore satisfaisans, la vente dépassera 600 millions de francs! Les Américains estiment actuellement le capital vivant ou mécanique engagé dans ce genre de spéculation à 3 ou 4 milliards de francs. Ils sont particulièrement fiers de leurs cultures cotonnières, dont la progression est pour beaucoup dans cette veine de prospérité merveilleuse où se trouvent les États-Unis.

La patrie du calicot et de la mousseline n’est plus actuellement que le second des pays producteurs. La matière première est récoltée dans les Indes en quantités incalculables ; mais la plus grande partie est utilisée sur place par les indigènes ou consacrée aux échanges avec les contrées voisines, et particulièrement avec la Chine. A défaut de bases pour évaluer les masses que réserve pour son propre usage le monde oriental, on ne tient compte dans la statistique que des envois faits en Europe. Or le contingent des Indes orientales est excessivement variable : c’est le prix de la denrée sur les marchés occidentaux qui en détermine l’importance. Il résulte des expériences faites en Asie, par ordre du gouvernement britannique, qu’à l’exception du georgie-longue-soie, qui a décidément échoué, toutes les autres variétés avaient des chances de réussite. Cependant le coton indien ne se présente jusqu’à ce jour, en Europe, que sous un aspect défavorable. Les filamens sont courts, mal nettoyés, presque toujours détériorés par défaut de soins dans les manipulations et les transports. L’indolence incurable des indigènes, leur répugnance à modifier les anciennes habitudes, laissent aux conquérans de l’Inde peu d’espoir de progrès. On soupçonne même les brahmines d’exercer

  1. Tels sont, d’après les documens américains, les prix moyens des cotons depuis trente ans sur les marchés des États-Unis : première période (1821-30), 1 fr. 55 cent. 1/2 le kilogramme; deuxième période (1831-40), 1 fr. 44 cent, le kilogramme; troisième période (1841-50), 97 cent, le kilogramme. Ces prix comprennent toutes les qualités, depuis les plus sordides jusqu’à celles qui valent de 7 à 9 francs. Au commencement du siècle, avant le déluge de la production américaine, les cotons en laine se vendaient généralement sur le pied de 5 fr. le kilogramme.
  2. Les campagnes se règlent de septembre en septembre, conformément au cours des récoltes