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XENIA DAMIANOWNA


SCÈNES DE LA VIE RUSSE.[1]





Il y a peu d’années, je visitais la Palestine, et j’avais voulu, selon l’usage des pèlerins, passer une nuit dan, la chapelle du Calvaire, près de Jérusalem. Je ne viens point ici retracer des impressions personnelles. Quiconque a souffert ne peut fouler sans émotion une terre où s’est accomplie dans sa forme la plus saisissante l’alliance de la divine miséricorde et de l’humaine douleur. Toutes les pensées qu’éveilla en moi la vue du saint temple, je les tairai donc : c’est hors de moi-même que je veux chercher un exemple de résignation, de persévérance, dans l’histoire d’une pauvre femme avec laquelle j’ai passé sur le Golgotha une nuit dont les trop courtes heures ne s’effaceront pas de ma mémoire.

Qu’on ne s’attende à trouver dans cette histoire ni le mouvement, ni la variété des aventures. Le récit que j’ai recueilli ne m’a frappée que comme le tableau de la vie russe telle qu’on peut l’observer dans les campagnes, parmi les populations qui cultivent la terre et qui vivent dans un commerce familier avec la sévère nature des forêts et de la steppe. L’histoire de l’humble paysanne dont je veux noter ici les souvenirs m’a été racontée dans cette belle langue russe, si

  1. L’auteur du récit qu’on va lire a pu étudier la vie des paysans russes sous bien des aspects qui échappent aux voyageurs, auxquels manque, avec le temps nécessaire pour compléter leurs observations, cette sorte d’intuition qui n’appartient qu’au génie national. Dans l’histoire qui se mêle ici à quelques souvenirs sur les lieux-saints, on trouvera un tableau fidèle des mœurs populaires de la Russie, peut-être aussi une explication sûre, quoique lointaine, des influences religieuses qui dominent et agitent aujourd’hui ce grand empire.