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religieux. Lors de la réformation, les grandes familles reçurent en don les biens des abbayes et se firent les continuateurs des moines. Les résidences de beaucoup de grands seigneurs portent encore le nom des abbayes qu’elles ont remplacées : on dit Woburn-Abbey, Welbeck-Abbey, etc. Dans la région marécageuse, les moines avaient poussé assez avant leurs desséchemens, quand ils furent chassés, laissant pour traces de leur passage, outre leurs canaux et leurs cultures, les belles églises de Peterborough et d’Ely, qui dominent encore la contrée. Au commencement du XVIIe siècle, un comte de Bedford se mit à la tête d’une compagnie pour reprendre les travaux; une concession de 40,000 hectares lui fut accordée. Depuis cette époque, l’entreprise n’a jamais été interrompue. Des moulins à vent, des machines à vapeur établies à grands frais, font jouer éternellement des pompes à épuisement; des tranchées immenses, des digues indestructibles, achèvent l’œuvre. Le pays conquis est maintenant traversé dans tous les sens par des routes et des chemins de fer; on y a construit des villes, des fermes sans nombre, et ces terres jadis submergées et absolument improductives se louent de 75 à 100 francs l’hectare. On y voit quelques cultures de céréales et de racines, mais la plus grande partie reste en prairies; on y engraisse des bœufs courtes-cornes et des moutons provenant du croisement de la race ancienne de Lincoln avec des Dishley.

Tout le nord du comté de Cambridge fait partie de la région des marais; la rente moyenne y a doublé depuis quarante ans; la population aussi s’est accrue rapidement, soit à cause de l’augmentation de salubrité, soit parce que les progrès du dessèchement ont développé la demande de travail. Le sud du comté est dans une situation moins satisfaisante; il ressemble au comté de Hertford, dont il est en quelque sorte le prolongement; les sols argileux y dominent, et la crise agricole est assez intense; de plus, les habitans y vivent dans une crainte perpétuelle, celle des incendies. Tous les bâtimens ruraux étant en bois et couverts en paille, les ravages du feu y sont faciles et redoutables. Les moindres mécontentemens de la population ouvrière se traduisent par des incendies dont les auteurs échappent presque toujours aux recherches de la police. Ce fléau reparaît sur d’autres points en Angleterre, mais nulle part il n’est aussi fréquent que dans le comté de Cambridge; on a vu des compagnies d’assurances refuser d’assurer des fermes qui avaient été brûlées plusieurs fois. La lueur de ces incendies éclaire d’un reflet sinistre la condition des classes laborieuses dans ceux des comtés anglais qui ne sont qu’agricoles, et le Cambridge est de ce nombre; le nombre des pauvres y est égal au dixième de la population.

Entre le comté de Cambridge et celui de Bedford s’étend en long