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Kelvedon, est située la fameuse ferme de Triptree Hall, appartenant à un coutelier de la Cité passionné pour l’agriculture, M. Mechi.

Tous ceux de nos agronomes qui ont fait le voyage de Londres ont visité la ferme de M. Mechi ; elle est maintenant généralement connue, même en France. Tout ce que l’esprit d’invention des Anglais peut imaginer pour faire rendre au sol le plus grand produit possible, et surtout pour vaincre la résistance des terres argileuses, est immédiatement mis en usage par cet infatigable novateur. Ce n’est point là, qu’on ne s’y trompe pas, l’agriculture anglaise telle qu’elle est, ce n’est même pas l’agriculture telle qu’elle paraît devoir être dans la plus grande partie du pays, car quelques-uns de ses caractères fondamentaux y manquent absolument; mais c’est un des plus complets résumés des vigoureux efforts faits depuis quelque temps pour améliorer la culture des terres fortes, et en même temps un exemple frappant du caractère social et politique de la révolution agricole qui s’accomplit. Le mouvement qui, du temps d’Arthur Young, a fait faire un si grand pas à l’agriculture anglaise était essentiellement aristocratique; le mouvement qui tend aujourd’hui à en faire un autre, et dont M. Mechi est un des agens les plus zélés, est, je ne dirai pas démocratique, mais bourgeois.

La ferme de M. Mechi, qui est en même temps sa propriété, a 170 acres ou 68 hectares. C’est, comme on voit, de la moyenne propriété et de la moyenne culture; mais ce qui n’est pas dans des conditions moyennes, c’est la dépense qu’il y a faite. Il l’a choisie exprès dans une lande marécageuse complètement rebelle jusque-là à toute espèce de culture, et il a eu soin de laisser tout autour un échantillon des anciennes landes pour montrer l’état primitif du pays. Il a tout créé, le sol d’abord, qu’il a débarrassé par un drainage énergique des eaux croupissantes, qu’il a ameubli par un défoncement général de 60 centimètres et transformé par les amendemens les plus puissans. Il y a bâti une maison d’habitation assez modeste et des granges et étables qui ne brillent pas par le luxe extérieur, mais qui sont au dedans parfaitement disposées d’après le nouveau système. Au centre du domaine, il a établi une machine à vapeur qui est comme l’âme de ce grand corps. Il y entretient, sans compter les chevaux de travail, 100 bêtes à cornes, 150 moutons et 200 cochons, ou l’équivalent de 2 têtes de gros bétail par hectare, et ces animaux, soumis à la stabulation la plus stricte, grandissent et engraissent à vue d’œil. Il n’a presque pas de prés naturels; la moitié du domaine est en blé et orge, et l’autre moitié en racines et fourrages artificiels. Grâce à l’immense quantité de fumier qu’il recueille et à la masse non moins énorme d’engrais supplémentaires qu’il achète tous les ans, il obtient des récoltes magnifiques et enrichit toujours sa terre, au lieu