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La new forest est, avec celle de Windsor, dans le comté de Berks et une partie de celle de Sherwood, dans le Nottingham, si célèbres toutes deux dans les légendes nationales, tout ce qui reste des anciennes forêts d’Angleterre. On a vivement attaqué dans ces derniers temps l’existence de ce vestige du liasse. Elle est, dit-on, un refuge de braconniers et de voleurs, et le sol qu’elle occupe peut être avantageusement divisé et vendu, soit pour des fermes, soit pour des pares. Le préjugé qui s’oppose en France au défrichement est beaucoup moins fort en Angleterre; le bois de chauffage n’y a que très peu de valeur, et les progrès de la population ont été si rapides, qu’il a bien fallu chercher avant tout les moyens de la nourrir. L’opinion publique est plutôt contraire que favorable à la conservation des forêts; tout le monde comprend parfaitement qu’il est de l’intérêt général de rendre la terre aussi productive que possible, et que la maintenir en bois quand elle peut produire quelque chose de mieux, c’est se résigner tous les ans à une perte considérable. On fait bien valoir encore, dans un sens opposé, des considérations tirées de la marine : on dit que les forêts royales peuvent seules fournir le bois de chêne nécessaire pour la construction des vaisseaux, ces remparts mobiles de l’Angleterre; mais cette raison elle-même a perdu beaucoup de son crédit : il a été démontré qu’il était bien moins cher de faire venir les bois pour la marine des pays étrangers que de les produire dans les forêts de l’état. La new forest n’est donc plus défendue que par quelques intéressés qui jouissent du voisinage, comme on jouit partout des bois du domaine public, et par les amateurs des grandes scènes de la nature. Ce ne sera probablement pas assez pour résister au mouvement d’opinion qui pousse au morcellement. Il est d’ailleurs à remarquer que la destruction des forêts n’entraîne pas la suppression des grands arbres, au contraire. Si l’Angleterre est un des pays du monde où il y a le moins de bois, c’est aussi un de ceux où il y a le plus de beaux arbres. La physionomie de la plupart de ses comtés est celle d’un pays très boisé, mais ces arbres sont disséminés dans les haies, dans les parcs, sur les routes; ils ne s’étouffent pas mutuellement, et ne sont pas soumis à ces coupes régulières qui font qu’avec nos 10 millions d’hectares de bois, un arbre séculaire est chez nous une curiosité fort rare. En même temps, on fait des plantations dans les terrains qui ne peuvent pas porter autre chose; l’art et le goût des plantations sont maintenant très répandus en Angleterre, et promettent pour l’avenir une grande richesse à cause de la variété et du choix des essences, de l’intelligence et du soin qu’on apporte à cette culture comme à toutes les autres. Ce qu’on supprime, c’est la forêt proprement dite, c’est-à-dire ces immenses étendues livrées au bois, qui y pousse au hasard et qui souvent n’y pousse pas du tout; ce qu’on ne veut pas, c’est que