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remplit de ses faubourgs et de ses immenses dépendances; tout le côté droit de la Tamise à Londres, c’est-à-dire Southwark tout entier, fait partie du comté de Surrey.

Ce comté n’a donc aucune importance agricole; la population qui s’y accumule est beaucoup plus urbaine que rurale. Il n’a d’ailleurs que peu d’étendue, 400,000 acres anglais ou 160,000 hectares, l’équivalent d’un de nos arrondissemens. C’est celui que les étrangers visitent le plus à cause de son voisinage de Londres et de la quantité de belles résidences royales ou autres qui s’y trouvent. Là sont Kew, Richmond, Hamptoncourt, Twickenham, Claremont, Weybridge; Windsor, le Versailles anglais, est tout proche. Cette belle campagne a été de tout temps célébrée comme une des plus riantes du monde, et elle mérite sa réputation. A quelques milles au-dessus de Londres, la Tamise n’est plus qu’une rivière de parc dont les eaux claires, couvertes de cygnes, serpentent au milieu des plus vertes prairies et sous les ombrages les plus magnifiques. Les pares se touchent, les châteaux se succèdent, entremêlés de villas élégantes et de gracieux cottages. Des chemins entretenus avec soin circulent au milieu de ce paysage enchanteur et en montrent successivement toutes les beautés.

Chaque peuple a son goût en fait de jardins : les jardins italiens sont des œuvres d’art où la sculpture et l’architecture s’emparent des arbres eux-mêmes pour les soumettre à l’effet monumental; les jardins français se composent de longues allées percées dans de grands bois, et d’élégans parterres où des massifs de verdure et de fleurs marient leurs couleurs et leurs formes; le jardin anglais n’a rien de pareil, tout y est exclusivement champêtre. Ce peuple est pasteur, agriculteur et chasseur par excellence, avant même d’être marin. Pas de bois proprement dits, des arbres semés çà et là sur d’immenses prairies, des chemins au lieu d’allées; rien d’artificiel, d’arrangé ou ayant l’air de l’être; la vraie campagne portée à sa perfection par la fraîcheur des gazons, la beauté des arbres et des troupeaux, la profondeur des horizons, l’heureuse distribution des eaux, l’utile enfin essentiellement uni à l’agréable, l’art n’aspirant qu’à dégager la nature de ses aspérités et de ses défaillances pour la laisser parée de ses agrémans et de sa fécondité : tel est le spectacle que présente de toutes parts le comté de Surrey. La forme onduleuse du sol, comme disent les Anglais, qui aiment à retrouver sur la terre l’image de l’océan, y ajoute la grâce des perspectives. « Montons sur ta colline, délicieux Richmond, chantait Thompson il y a plus d’un siècle, et contemplons de là l’heureuse Angleterre. Partout de frais vallons, des plaines fertiles, des villes populeuses, des ruisseaux d’argent, des prés qui verdissent en plein été, des