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Il est certain que la suppression complète des taxes d’octroi présente des difficultés assez graves, attendu que ce revenu constitue, avec les boissons, la principale ressource des budgets communaux. Toutes les fois que les autorités municipales ont été consultées à oc sujet, elles se sont prononcées à peu près unanimement et en termes très formels pour le maintien du droit; mais, si l’on ne peut trancher aujourd’hui la question par une mesure radicale, il serait désirable que l’on procédât au moins à une réforme dans les grandes villes, où il serait plus aisé de transformer une partie de l’impôt municipal. Les cinq départemens cités plus haut perçoivent la moitié des droits d’octroi acquittés dans toute la France (12,898,000 fr. sur 25,273,000 on 1850). Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Rouen et Lille ont établi sur la viande de boucherie des droits très considérables, qui pèsent à la fois sur la consommation et la production. A Paris, les documens officiels établissent que depuis le commencement du siècle la consommation moyenne des habitans a sensiblement baissé : c’est un fait très regrettable à tous égards. Nous ignorons s’il s’est produit à un égal degré dans les autres régions du pays; mais ce qui est notoire, c’est que l’alimentation de la France en denrées animales est plus faible que celle de la plupart des peuples européens. D’après les calculs de M. Block, un Français consomme en moyenne 6 kilogrammes 740 grammes de viande de bœuf ou de vache par an, tandis que l’Anglais, le Suédois, le Danois et l’habitant du Wurtemberg consomment environ 13 kilogr.; le, Hollandais, près de 9 kilogr. Il est vrai que, pour la consommation de la viande de porc, la France figure dans le tableau au second rang, après le duché de Bade; mais c’est une triste compensation, car rien ne remplace la viande de boucherie, dont les propriétés saines et fortifiantes entretiennent la santé du peuple et les forces des ouvriers. La réduction des tarifs d’octroi dans les grandes villes manufacturières, se combinant avec la liberté du commerce de la viande, amènerait une baisse dans le prix de la denrée beaucoup plus sûrement que ne pourra le faire l’abaissement du tarif à la frontière, et cette baisse profiterait tout entière au producteur, qui verrait s’ouvrir devant lui un débouché plus large. C’est là, nous le croyons, que se trouve le nœud de la question, et il ne reste qu’à exprimer le vœu de voir donner suite aux études entreprises dans ce sens par la commission d’enquête parlementaire.

Ainsi le décret du 14 septembre atteste, de la part du gouvernement, la volonté bien arrêtée de faciliter par tous les moyens les arrivages de subsistances; considéré comme mesure temporaire, il produira, il a déjà produit un excellent effet moral sur les populations; il ouvre une période d’expérience, pendant laquelle on appréciera définitivement l’influence exercée sur notre agriculture par l’importation du bétail étranger, moyennant un droit très réduit. A la suite de cette épreuve, l’autorité législative décidera, en parfaite connaissance de cause, si le décret provisoire peut être sans inconvénient consacré par une loi permanente. La vérité se fera jour, et il est permis d’espérer que les taxes évidemment exagérées de 1822 et 1826 ne figureront plus au tarif.


C. LAVOLLEE.