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— « Tenez, dame, voici votre cher oiselet !
Je l’ai pris. Mort ou vif, n’est-ce pas qu’il vous plait ?

III.


Un jeune homme, apprenant bientôt cette aventure,
Disait, et de longs pleurs sillonnaient sa figure :

— « Oh ! combien la jeunesse a de sombres ennuis
Adieu, ma bien-aimée, adieu, nos belles nuits !

Mon regard n’ira plus, la nuit, chercher le vôtre :
Adieu nos doux baisers d’une fenêtre à l’autre ! »

Mais le pauvre oiselet mort par leur amitié,
La dame et son fidèle en eurent grand’pitié :

En un gentil coffret tout d’or fin et d’ivoire,
Le petit corps fut mis bien entouré de moire ;

Puis autour du coffret l’histoire on raconta.
Et l’amant sur son cœur jour et nuit le porta.


III.


L’ARTISANNE

xviie siècle.


I.


Elle est née au Croisic et se nomme Suzanne.
Or un noble l’épouse, elle, simple artisanne.
Et seigneurs et bourgeois, tous les gens du pays.
Pour voir passer la noce ont quitté leurs logis.
Les propos se croisaient : « Il a raison, s’il l’aime.
— La raison dit d’aimer l’égale de soi-même.
— Dans ce monde, chacun doit chercher son bonheur.
— Il faut chercher surtout ce qui nous fait honneur. »
Et les langues ainsi, telles que des épées,
Entr’elles s’escrimaient, diversement trempées.
Mêlez-vous à la foule, elle aura, de nos jours,
Et les mêmes pensers et les mêmes discours.

Moi, je prise un cœur fier qu’un cœur faible apprivoise.
Si le noble marin aima l’humble bourgeoise,
C’est que dans sa boutique entrant vers un midi.
Devant elle il resta muet, pâle, étourdi.
Oh ! l’amour, l’amour vrai, c’est la vive étincelle
Tout d’un coup jaillissant du fer qui la recèle.
À côté de sa mère occupée à filer.
Elle filait, tournant ses fuseaux sans parler.
Si la porte s’ouvrait de l’étroite boutique.
Soudain la belle enfant d’aller vers la pratique,
Parcourant les rayons, et sur ses jeunes bras