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Tous les corps voisins l’un de l’autre s’envoient des rayons invisibles de chaleur, et font des échanges continuels qui réchauffent les plus froids et refroidissent les plus chauds jusqu’à ce que la température se soit égalisée entre eux. Si l’on porte dans une chambre bien close un boulet rouge, on sent et on voit à la fois sa chaleur et sa lumière ; mais la première de ces deux propriétés subsiste encore après l’autre, et le boulet est devenu invisible longtemps avant que la main ou le visage cesse de ressentir à distance les effets de la chaleur qu’il conserve encore. Il y a donc un rayonnement invisible de chaleur obscure. Ainsi, quand nous nous promenons la nuit par un ciel serein, notre corps fait rayonner sa chaleur vers le ciel, qui ne lui en renvoie que bien peu en échange, d’où naît un refroidissement très vif qui se fait sentir même au milieu de la zone torride où le docteur Oudney est, à la lettre, mort de froid nocturne. Or, de même que la lumière rejaillit des corps blancs brillans, polis, et par conséquent ne les pénètre pas facilement, nous jugerons que la même chose a lieu pour les rayonnemens analogues de la chaleur, et nous admettrons que la surface des corps blancs, brillans, métalliques, polis, éclatans, arrête la chaleur à son entrée et à sa sortie des corps. Il est très difficile de faire pénétrer la chaleur rayonnante d’un foyer dans une cafetière d’argent bien polie, tandis qu’un liquide chaud qu’on y verse y conserve longtemps sa chaleur, qui ne peut franchir de l’intérieur à l’extérieur l’obstacle de la surface polie.

De même, les vêtemens blancs, le terrain sablonneux, les arbres à écorce blanche, laissent moins facilement pénétrer et sortir la chaleur et la lumière. La neige par sa blancheur préserve de la gelée les blés qu’elle recouvre, et si on altère sa teinte par de la cendre ou du charbon, tout gèle au-dessous. Les premières fleurs des arbres fruitiers, qui sont d’un blanc éclatant, se défendent par leur couleur des fâcheuses influences de la saison peu avancée. Les hommes de cabinet portent toujours des robes de chambre blanches, pour conserver la chaleur du corps ; la nature blanchit à un certain âge les cheveux de l’homme et les poils des animaux ; enfin plusieurs oiseaux, tels que la perdrix des Pyrénées, changent tout à coup à l’entrée de l’hiver la couleur de leur plumage et deviennent tout à fait blancs. On observe la même chose pour les lièvres du Nord, qui sont fauves l’été et qui deviennent tellement blancs l’hiver, que le chasseur est obligé de les viser aux yeux, qui sont alors rouges comme dans tous les albinos. Cette transformation du pelage est souvent très rapide, et l’on a vu un rat de l’espèce appelée rat arctique ou rat polaire, exposé dans sa cage sur le pont d’un vaisseau hivernant dans les glaces du Nord, changer en une nuit de couleur, et passer du fauve foncé au blanc pur. Les habitans du Nord sont à peu près tous blonds ; ils