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tiré son origine. Le temps de cette circulation des masses océaniques est d’environ trois ans et demi. Il résulte de ce courant, célèbre sous le nom de gulf-stream, que le passage d’Europe aux États-Unis, où l’on va contre le courant, est sensiblement plus long que le retour, où le courant favorise la marche des navires. On peut tirer de ce phénomène bien d’autres conséquences plus importantes. D’abord ces eaux chaudes, portées dans de hautes latitudes, y tempèrent le froid résultant de la faiblesse et de l’obliquité des rayons solaires ; mais ce qui est surtout frappant, c’est la différence de climat à égalité de latitude entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Pour celle-ci, les vents dominans qui viennent de l’ouest passent sur les eaux chaudes du gulf-stream, et lui foin un climat d’une bonté exceptionnelle. L’orge est cultivée même aux environs du cap Nord, tandis que les contrées américaines situées à la hauteur de l’Angleterre sont soumises à des froids si rigoureux, qu’ils les rendent stériles. L’embouchure du fleuve Saint-Laurent, située à la même hauteur en latitude que celle de la Seine, est plusieurs mois de l’année obstruée par les glaces, et la navigation est interrompue.. À Boston, dont le climat, d’après sa position géographique, devrait être celui de Perpignan et de l’extrême sud de la France, les étangs d’eau douce gèlent chaque hiver à plus d’un mètre d’épaisseur. Au reste, l’active et industrieuse nation des États-Unis a su mettre à profit ces effets de la rigueur du climat. La glace des étangs dans le voisinage de Boston est débitée en blocs analogues à nos pierres de construction, à nos grès et à nos marbres. Ces blocs de glace, amenés dans des magasins de glace par des chemins de fer construits exprès, y attendent trois ou quatre cents vaisseaux de commerce, espèces de glacières flottantes où la glace, préservée de la fusion par des revêtemens de sciure de bois, de feuilles de maïs ou de roseaux, voyage sur le globe entier, et va se vendre à un prix modique ài Calcutta même, en vue des neiges éternelles de l’Himalaya, après avoir impunément traversé deux fois l’équateur et ses feux brùlans. Plusieurs fois les navires à glace de Boston sont venus à Liverpool, à Londres et au Havre. Je tiens de M. l’amiral Baudin, l’un des honneurs de la marine française, que ce singulier commerce, qui ne date pas d’un demi-siècle, n’est pas un des moins lucratifs de l’industrie américaine. N’est-il pas prodigieux qu’il soit plus facile et plus économique de consommer dans la métropole de l’Inde la glace formée à plusieurs milliers de kilomètres que d’en tirer des cimes neigeuses qui sont, pour ainsi dire, à l’horizon ? Voilà bien la nation qui a pris pour devise : En avant et tête basse (go a head) !

Un circuit analogue au circuit du gulf-stream s’observe dans le sud de l’Atlantique et fait descendre une partie des eaux intertropicales vers le midi, en longeant les côtes orientales de l’Amérique du