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à la constitution de notre globe, ceux où l’on voit les objets que nous considérons ordinairement comme les plus solides prendre un grand nombre de mouvemens, soit les mouvemens subits qui amènent des catastrophes ou générales ou circonscrites, soit les mouvemens qui se développent lentement avec le cours des siècles accumulés. La conclusion est que, l’ordre actuel de la nature sur la terre étant de date très récente, et les diverses catastrophes antérieures ne s’étant produites qu’à des intervalles de temps fort longs, on peut assurer que d’ici à une longue série de siècles aucun bouleversement général n’aura lieu. Pendant une durée incommensurable d’années et de siècles, l’Europe et les États-Unis seront séparés par l’Atlantique, et marcheront, il faut l’espérer du moins, fraternellement dans les voies de la civilisation et du progrès physique et moral ; mais enfin, lorsque l’an 1854 sera dans le passé à une distance telle que son existence même paraîtra fabuleuse, le noyau intérieur de la terre, devenu trop petit par le retrait, suite d’un refroidissement graduel, laissera s’abîmer la voûte que forment les continens actuels, et les parties les plus élevées s’enfonceront plus encore que les autres. Un échange d’état aura lieu, comme il a déjà eu lieu plusieurs fois, entre la terre et la mer. L’océan roulera ses flots sur l’Asie, l’Afrique, l’Europe et les deux Amériques, tandis qu’une partie du fond des océans actuels sera mise à sec et formera, pour ce nouvel état de la surface terrestre, les continens et la terre habitable. — Quels en seront alors les habitans ? Si l’homme est un hôte nouveau pour la terre et ne date que de la dernière révolution générale, cette future révolution n’introduira-t-elle point un être vivant aussi supérieur moralement à l’homme que celui-ci l’est aux animaux qui l’avaient devancé sur la terre ? Ici, comme toujours, lorsque l’imagination est appelée à jouer un rôle, les théories ne manquent point. Il est fort aisé de constituer de toutes pièces un univers inconnu et qui n’offre aucun contrôle gênant aux idées que l’on s’en fait ; mais, dans la science positive, il faut s’arrêter à la limite des faits et des inductions qu’on en tire immédiatement ; pour le reste, il faut savoir ignorer.

Passons des phénomènes de la terre à ceux des eaux, et prenons pour exemple les courans maritimes et l’arrosement du globe, qui, comme on sait, a presque autant d’influence que la chaleur du soleil sur les productions du sol. Nous voyons les eaux d’entre les tropiques marcher à l’ouest, de l’ancien monde vers le nouveau. Ce grand courant, après avoir rempli le golfe du Mexique, déborde au nord, et, longeant le banc de Terre-Neuve, il revient vers l’Europe à la hauteur de l’Angleterre et de la Norvège, pour redescendre vers l’Afrique, en côtoyant l’Espagne, et rentrer, par un circuit continu, dans le grand courant des tropiques, dont cette masse d’eau avait