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vaste lac, noya toute la partie basse de la ville. Plus tard, le fond du lit du fleuve reprit son niveau, et les eaux arrêtées, s’élançant vers la mer, firent tous les ravages d’un torrent. Ajoutons que l’homme ne se montra pas plus compatissant que la nature. La famine et le brigandage désolèrent la cité décimée. Une livre de pain fut payée plusieurs livres d’or, et on fut obligé d’établir autour de l’enceinte de la ville un cordon de potences.

La France d’après l’inclinaison graduée de sa surface vers l’océan, est très peu sujette aux tremblemens de terre. On aurait peut-être pu dire la même chose à Lisbonne avant 1755 ; mais, dans tous les lieux qui ont éprouvé ces catastrophes, on peut écrire, comme auprès de Naples : posteri, posteri, vestra res agitur ! c’est-à-dire : « O générations futures, vous aurez votre tour ! »

En voyant la terre trembler au même instant du nord de la Laponie jusqu’au sud de l’Espagne, depuis l’embouchure du Rhin jusqu’à celle du Danube, qui se refuserait à croire la terre en état de fluidité ? Cependant il y a encore d’autres vérités plus extraordinaires.

Non-seulement la terre est fluide, mais elle l’est par la chaleur : c’est une masse fondue par la chaleur, analogue à la fonte de fer qui coule dans des fourneaux embrasés par des soufflets chargés de plusieurs milliers de kilogrammes. Ce fait étonnant se démontre tout à fait mathématiquement. Lorsque l’on s’enfonce sous la surface de la terre, on trouve que, dans les terrains même les plus éloignés des volcans, la température croît graduellement à mesure que la profondeur augmente. En calculant ce que serait cette chaleur à une profondeur de 60 kilomètres, on trouve qu’à cette profondeur toutes les matières de l’intérieur de la terre seraient en fusion, et qu’elles y sont réellement. Tout le monde sait que les eaux des ruisseaux et des fontaines qui tombent au fond des puits naturels très profonds formés entre les fissures des roches en ressortent à l’état d’eaux bouillantes ou thermales par leur contact avec les parois profondes des roches, d’autant plus chaudes qu’elles sont plus enfoncées au-dessous du sol. Les eaux du puits de Grenelle, dans Paris, venant de 5 à 600 mètres, ont presque la température des bains, et dans les mines profondes règne perpétuellement la température de l’été.

Voilà de grandes présomptions. Voici la matière fondue elle-même. Lorsque, par suite des convulsions du sol dans les tremblemens de terre et dans les changemens de forme du noyau terrestre, il se fait de vastes l’entes dans le fond rocheux du continent, on voit affluer de dessous ces couches pierreuses ce qu’on appelle de la lave : c’est la matière fondue même qui porte les couches continentales. Cette matière fluide de feu, plus lourde que le sol du continent, le fait.flotter sur elle, à peu près comme on voit, eu brisant la glace d’un