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de un mètre par an. Si maintenant je marche en m’éloignant du rivage, je trouve toute la contrée hérissée de dunes semblables jusqu’à une assez grande distance de la mer. Toutes reçoivent le vent d’ouest du côté de la mer, et leur sable de ce côté étant rejeté de l’autre côté par-dessus leur crête, toutes marchent comme celle du rivage, de 1 mètre par an, vers l’intérieur du pays. Pour le dire en passant, ce beau fait de la nature physique est un horrible fléau pour ces contrées ; car ces dunes non-seulement envahissent les terrains cultivés, mais, en arrêtant l’écoulement des eaux, elles poussent devant elles des marécages aussi malsains qu’infertiles. Pour terminer mon calcul, je supposerai que de ces dunes la plus avancée dans les terres soit à 6,000 mètres du rivage. Comme nous avons admis que ces dunes s’avançaient de 1 mètre par an en s’éloignant de la mer, quel est celui qui n’en conclura pas tout de suite que la première dune est sortie de l’océan par une tempête qui a eu lieu il y a six mille ans ; que c’est à cette époque qu’a pris naissance l’ordre actuel des choses, puisque si cet état eût précédé, il se fût produit une ou plusieurs dunes de formation plus ancienne, qui par suite auraient marché en tête des autres par l’influence du vent d’ouest ? Les atterrissemens du Tibre depuis les temps historiques, comparés à la somme totale des atterrissemens antérieurs, donnent, à quelques siècles près, la même date. Il en est de même de l’âge qu’indiquent les détritus que les pluies et les gelées détachent des rocs à faces abruptes, et dont la quantité sert à calculer depuis combien de temps ces dépôts sont en voie de formation.

La première objection qui se présente aux esprits sérieux à. qui l’on énonce ces curieux mouvemens des continens, et qui les pousse d’abord à l’incrédulité, c’est la conclusion forcée que, si l’on admet ces catastrophes mécaniques, il faut de toute nécessité admettre que le sol des continens repose sur un noyau fluide ; car, si l’intérieur de la terre était solide, on ne pourrait pas supposer ces déplacemens subits, qui font reparaître au jour ou qui noient des continens entiers.

Et d’abord, la mobilité des continens est on ne peut mieux constatée par les redoutables crises connues sous le nom de tremblemens de terre. Alors dans les terrains mal équilibrés, présentant des couches contrastées et peu solides, la rechute qui s’opère fait onduler le sol comme les vagues d’une mer agitée par une tempête de fond (sans l’influence du vent). En 1755, il périt à Lisbonne soixante mille personnes. Après la première destruction produite par la chute des maisons, le feu prit en mille endroits par les foyers domestiques alors allumés et mis en contact avec les débris combustibles des maisons. Quelques instans après, le sol du Tage, au-dessous de la ville, fut soulevé, et le fleuve, arrêté par cette barrière et transformé en un