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nom de mystères, le tableau des grandes scènes historiques de leurs croyances ; ils y retrouvaient, exprimés par des images sensibles, le monde du passé et le monde de l’avenir, la chute et la rédemption, et les monumens comme la nature elle-même n’étaient à leurs yeux qu’un microcosme, un abrégé de l’univers où se reflétaient la justice, la puissance et la bonté divines. Les animaux devaient naturellement tenir une grande place dans des représentations où figurait la création tout entière ; aussi les voyons-nous former une partie importante de la symbolique monumentale, et comme tout se touche et s’enchaîne dans le moyen âge avec une logique singulière, malgré les apparences extérieures du désordre et du chaos, ils reparaissent sur les monumens avec les mêmes caractères, les mêmes attributs que dans les légendes, les encyclopédies, les poèmes et les Bestiaires, — non pas comme une conception incohérente de la fantaisie individuelle, mais comme l’expression réfléchie de la tradition générale.

Placée sur la limite indécise encore du paganisme et de la foi nouvelle, la zoologie symbolique des catacombes adopte la plupart des représentations matérielles de l’antiquité : l’agneau, le paon, le coq, l’aigle, le phénix, le cerf, le cheval, le dauphin, le scarabée, reparaissent avec la même physionomie que dans les monumens du polythéisme ; mais leur signification est complètement changée, et ils parlent pour ainsi dire une langue nouvelle. La régénération du monde, l’immortalité de l’âme, le triomphe des justes, la gloire des martyrs, la paix, la charité, l’enivrement de l’amour divin, telles sont, dans cet âge d’or du christianisme, les idées génératrices de l’art symbolique. Toutes ces images sont douces et consolantes. L’église, jeune et souriante, ne parle que des joies du ciel, et les animaux inoffensifs sont les seuls qu’elle offre aux yeux des fidèles, comme plus tard elle leur montrera l’enfer et le dragon, pour réveiller par la terreur les croyances attiédies.

Tout en prenant encore pour point de départ quelques-unes des données de la science antique, l’art s’inspire en même temps des livres saints et de l’exégèse des pères, et fait servir les attributs traditionnels à renseignement nouveau. Ainsi le cerf, qui d’après les écrivains païens se rajeunit en mangeant des serpens, devient l’emblème du Christ, qui régénère le monde en écrasant le tentateur. Le phénix qui se brûle, pour renaître, sur son bûcher parfumé, c’est l’âme qui, dégagée par la mort des liens de la chair, s’élève vers le Créateur, éblouissante comme l’oiseau merveilleux et tout embaumée du parfum de ses bonnes œuvres. La colombe, spiritualisée, n’est plus l’oiseau sensuel qui traînait le char de Vénus. Altérée, comme les chrétiens, de ce breuvage divin que le Sauveur a versé