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l’ancienne nationalité mexicaine. Ce fut d’abord une explosion terrible, du sentiment indien, de la haine que la race subjuguée gardait à la race des conquérans. De même, au Pérou, un descendant des Incas, nommé Tupac-Aymara, leva l’étendard de la rébellion contre l’Espagne. Au Mexique, cent mille Indiens se soulevèrent à la voix d’un curé. Une religieuse, dona Maria Quitana, quitta son couvent pour aller combattre. Les insurgés furent écrasés ; mais le feu de l’insurrection, comprimé sur un point, éclatait sur un autre, et après bien des vicissitudes, l’indépendance du Mexique fut proclamée. Les Indiens, qui avaient les premiers versé leur sang pour elle, en ont peu profité. Je ne sais, du reste, si elle a beaucoup profité à personne.

Pour compléter nos souvenirs aztèques, nous sommes allés faire une promenade à Chapoultépec. Là était le Versailles des anciens souverains du Mexique, la ménagerie et le jardin des plantes de Montézuma, qui avait réuni en ce lieu les animaux et les productions végétales de tout son empire. À cet égard, les Mexicains étaient alors plus avancés qu’ils ne le sont aujourd’hui, car le jardin des plantes, qu’a vu encore M. de Humboldt, n’existe plus. Ce n’était pas une simple curiosité qui portait les souverains du Mexique à rassembler ainsi tous les végétaux de leur pays. Les plantes médicinales étaient distribuées aux malades, des médecins étaient chargés de rendre compte au monarque de l’effet des remèdes, et on enregistrait ces dépositions comme on faisait en Grèce pour les observations desquelles est sortie, dit-on, la médecine hippocratique. Chapoultépec est un lieu charmant. On s’y promène sous de magnifiques cyprès chauves, les plus grands qui existent dans le monde. Leurs troncs énormes et tordus, leurs branches, d’où pend, comme une longue barbe grise, le spanish moss, offrent un aspect bizarre et presque fantastique. Selon M. de Candolle fils, ces arbres ont plus de cinq mille ans. C’est à peu près l’âge des pyramides d’Égypte. Un poète mexicain a dit des cyprès de Chapoultépec : « Sur leurs fronts mille siècles reposent. » On voit que la poésie est restée bien loin de la réalité.

Au sommet de la colline qu’environnent ces arbres antiques est l’école militaire. Dans la guerre avec les États-Unis, les élèves de cette école se sont fait tuer bravement. Les troupes régulières n’ont pas toujours aussi bien tenu. Après avoir eu l’avantage sur les ennemis à Molino del Rey, elles se sont retirées dans la nuit, à la grande surprise de leurs adversaires, que la cavalerie aurait pu détruire. C’est qu’il y avait de singuliers officiers de cavalerie. L’un d’eux, ayant reçu l’ordre de charger, fit répondre qu’il y avait un obstacle : cet obstacle était un petit fossé très facile à franchir. Il a reçu le nom de général Obstacle. Un autre officier, fait prisonnier, après avoir