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est autre, mais c’est le même combat, car cette guerre de Thèbes porte encore au plus haut degré le caractère d’une guerre de religion. OEdipe, cet aventurier venu de Corinthe, possédée alors par la race éolique, a tué le sphinx, image hiératique de la théocratie étrangère, qui dévorait ceux qui ne parlaient point sa langue ou n’étaient pas initiés a ses mystères. OEdipe règne, mais les prêtres et les chefs, d’origine phénicienne, soulèvent contre lui des oracles et des terreurs superstitieuses : il est chassé. L’un de ses fils est adopté par le parti victorieux, l’autre s’en va soulever contre la ville sacerdotale les tribus helléniques d’Argolide, d’Etolie, d’Eolie et d’Arcadie. Voilà donc les deux partis bien classés comme dans les trilogies précédentes. La pièce d’Eschyle, d’une simplicité extrême, n’est guère qu’un portrait épique des sept chefs placés aux sept portes de la ville pour l’attaquer, et des sept guerriers thébains qui leur sont opposés. Cette magnifique description est assez connue ; mais on n’en a jamais, que nous sachions, remarqué l’esprit, la pensée, qui est précisément celle que nous nous attachons à faire ressortir dans toute la poésie d’Eschyle. Tous les assaillans hellènes y sont représentés comme des héros impies, menaçans, insolens, qui méprisent les dieux comme Prométhée, et se déclarent hautement, du parti de Typhon contre Jupiter ; leurs adversaires sont tous des guerriers pieux, vaillans et modestes, Phéniciens des vieilles familles de Cadmus. Parmi les Hellènes, un seul est prêtre ou prophète, c’est Amphiaraüs ; mais il est venu malgré lui, après avoir essayé d’étouffer ou d’entraver l’entreprise, et là même, sous les murs de la ville assiégée, il ne cesse de reprocher aux chefs leur injustice, leur impiété, recevant des insultes pour réponse, A la porte Prœtide, c’est Tydée qui frémit, qui crie, qui secoue le panache de son casque et les sonnettes de son bouclier, et accable d’outrages le sage prophète, l’accusant de caresser le destin et de temporiser avec la bataille par lâcheté. À la porte d’Electra, Capanée, autre géant, dit-il, plus grand que le précédent, exhale une jactance plus qu’humaine : que Jupiter veuille ou ne veuille pas, il prétend détruire la ville, et il compare les éclairs et les foudres du dieu aux rayons impuissans du midi. Le troisième des chefs hellènes délie le dieu de la guerre lui-même de l’empêcher d’escalader les remparts. Le quatrième porte sur son bouclier l’image de Typhon, l’antique ennemi du Jupiter égyptien. Le cinquième est un Arcadien qui jure que la lance qu’il tient lui vaut mieux qu’un dieu, et qu’il ravagera la ville en dépit de Jupiter ; sur son bouclier, pour insulter aux assiégés, on a représenté le sphinx qui emporte un Thébain. Une fois cette observation faite, il nous semble qu’on ne peut plus relire les Sept devant Thèbes sans être frappé de cette peinture de deux partis, non accidentels et passagèrement formés, mais hostiles par le fond de leur être pour