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Peu après le retour, en 1814, du roi de Sardaigne dans ses états, le chevalier César de Saluces fut choisi pour organiser, puis pour diriger et commander l’Académie militaire. Il était naturellement désigné pour cette tâche par une instruction profonde et variée, jointe aux principes les plus solides, au plus noble caractère, si bien exprimé par sa belle et noble figure. C’est dans cet emploi que pendant plus de vingt ans il a, avec un zèle infatigable, sans faste et sans bruit, sans rechercher l’éclat, dévoué presque tous ses instans à la tâche importante et ardue de former les jeunes générations qui devaient recruter le corps d’officiers de cette armée piémontaise, dont l’excellence a dit assez combien était éclairée la pensée qui avait présidé à l’instruction de ses chefs. Dans un pays militaire comme était le Piémont, l’académie fournissait aussi sa quote part au recrutement d’autres carrières, et jamais pays ne fut mieux servi dans toutes les carrières que le Piémont à cette époque. Avec une justesse d’esprit parfaite, le Chevalier César de Saluces avait assigné à chaque étude sa part légitime dans l’enseignement de l’école. Il y avait réuni, pour diriger sous lui cet enseignement, les hommes les plus distingués en Piémont dans les diverses spécialités qui se rattachaient à son plan. Il avait toutes les qualités qu’exige le commandement ; il avait aussi toutes celles qui inspirent l’affection. Je ne pense pas qu’une seule personne ait eu avec, lui des rapports suivis, qui ne lui ait gardé un attachement profond, et qui n’ait amèrement pleuré sa mort. Il était pour les élèves de son académie un père, et quelque chose de plus ; on oserait presque dire qu’il y avait dans sa bonté, dans sa surveillance et sa protection incessante quelque chose de maternel. Plus tard, après leur sortie de l’école, il continuait à les suivre du regard, de ses conseils, et demeurait leur guide et leur appui.

La foi religieuse du chevalier de Saluces, sa piété, étaient profondes et réglaient sa vie comme sa pensée. Tolérant, indulgent à autrui, il était sévère pour lui-même. Dévoué à son pays, à ses rois, aux institutions traditionnelles, aux grands principes qui font prospérer les sociétés, son esprit sage et éclairé était ouvert à toutes les lumières, à tous les progrès réels ; il les accueillait avec son amour actif pour le vrai et le bien. En 1830, le roi le choisit pour gouverneur des jeunes princes de Sardaigne, et dans cet emploi si important et épineux il apporta le zèle consciencieux, la sagesse éclairée qu’il avait apportés à diriger l’éducation de la jeune génération militaire. Il les y apporta avec tout le dévouement que cette âme chevaleresque et patriotique ressentait pour la vieille dynastie nationale. Il n’en conserva pas moins la haute direction et le commandement supérieur de l’Académie militaire. Ce double labeur ne l’absorbait pas tout entier : son intelligente activité s’appliquait encore en même temps à plus d’une fonction importante, à plus d’une entreprise utile. Il fut en 1819 secrétaire du conseil des ministres, puis directeur de l’Académie des beaux-arts, président de la commission des travaux d’histoire nationale, et son nom figura même modestement sur la liste des professeurs de l’université. Toutes les œuvres de charité, toutes celles qui avaient pour but un bien à faire, une amélioration à réaliser, l’avaient pour patron ou collaborateur actif.

Ce n’était pas seulement pour la jeunesse militaire, spécialement confiée à ses soins, que son intarissable bonté se déployait. Combien, en dehors doses rangs, de jeunes hommes protégés et soutenus par la même main bienfaisante !