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souverains et des demi-souverains pour une valeur de 9 millions sterling, et que les pièces d’or monnayées à Paris durant les dix premiers mois de 1853 représentent, comme je l’ai déjà dit, la somme de 250 millions de francs.

L’argent est momentanément plus rare que l’or, il obtient une prime très forte dans le commerce, et l’on assure que les affineurs qui fondent des pièces de cinq francs pour en former des lingots d’argent fin font un bénéfice de 20 à 24 fr. par 1,000 Dr. Cette prime s’explique principalement par les besoins qui se manifestent en Orient. La Chine et l’Inde en particulier attirent l’argent et l’achètent à tout prix. Les Chinois ont payé jusqu’à 7 shillings (8 fr. 50 c.) la piastre à colonnes, qui ne vaut pas intrinsèquement 4 shillings et demi. En une seule semaine, les paquebots anglais ont emporté dans cette direction 442,000 liv. sterl. (plus de 11 millions de francs) en lingots d’argent. Cet envoi avait été précédé de plusieurs autres, et l’Angleterre, ne trouvant pas dans les arrivages du Mexique et du Chili de quoi satisfaire les demandes extraordinaires de l’Orient, avait puisé dans les deux principaux réservoirs du continent, Amsterdam et Paris.

En résumé, tout ce mouvement d’espèces n’a rien qui doive inquiéter. Les demandes du Nord et de l’Orient vont bientôt se ralentir, si elles ne s’arrêtent. La Russie a déjà reçu, sous la forme d’avances ou de paiemens échus, la plus grande partie de l’or qui lui revenait pour solde des produits qu’elle a livrés ou qu’elle doit livrer encore. Les quantités d’argent que la Chine peut absorber sont limitées à la valeur des thés qu’elle envoie en Europe. Tout cela compose des sommes appréciables dès à présent, et nous ne courons pas le risque de nous trouver en face de ces terreurs qu’engendrent les approches de l’inconnu. Il n’y a donc pas lieu à combattre par tous les moyens, comme dans ces extrémités qui font naître la question de salut public, l’exportation du numéraire. Toutefois, en supposant que la Banque dût s’en préoccuper, elle n’y porterait qu’un remède douteux en élevant le taux de ses escomptes, et par suite, en provoquant sur le marché des capitaux, par l’influence décisive de son exemple, la hausse de l’intérêt. La Hollande est un des pays dont l’approvisionnement en métaux précieux a été le plus largement réduit dans cette crise ; cependant la Banque d’Amsterdam n’a pas songé à moduler le taux de ses escomptes, qui reste fixé à 3 pour 100.

L’argent est une marchandise qui va, comme toute autre, ou on la paie à plus haut prix. S’il ne fallait pour le retenir ou pour l’attirer qu’élever le loyer des capitaux, tout le monde emploierait cet expédient, et les peuples combattraient pour la possession des métaux précieux à coups de règlemens sur le taux de l’intérêt, comme ils combattent déjà pour la possession exclusive de certains marchés à coups de tarifs de douane portant prohibitions ou droits protecteurs. Sans doute, en serrant fortement l’écrou de la circulation, l’on peut amener un revirement "momentané dans le cours du change. En écrasant par la housse de l’intérêt toutes les valeurs de crédit, on peut déterminer l’étranger à se rendre acheteur, sur le marché français, d’actions