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du faubourg. Cette contre-façade est d’un style excellent selon nous ; il faudrait peu de chose pour en faire une façade véritable, exprimant sincèrement l’économie intérieure du monument, un vrai frontispice de basilique, chose si rare, comme on sait, et presque inconnue même à Rome. Les faces latérales de l’église sont traitées dans ce même goût sévère et châtié, et quant à l’intérieur, s’il pèche par les proportions générales, il abonde en détails étudiés et rendus avec une recherche peut-être un peu trop savante, un peu trop archéologique, mais pleine d’intérêt. L’érudition a ses dangers, même en architecture. Elle détourne insensiblement l’artiste du but suprême de ce grand art, l’harmonie. Elle affaiblit en lui l’entente et le sentiment des effets généraux ; elle lui conseille des imitations, souvent même des amalgames qui transforment en création bâtarde une pensée heureuse à son début. Le défaut capital de Saint-Vincent-de-Paul provient, à notre avis, d’une combinaison de ce genre. L’auteur a voulu tout à la fois faire une église très élevée, comme s’il eût adopté le style ascensionnel et pyramidal, le style à ogives, et ne pas perdre néanmoins l’occasion de faire une basilique et de reproduire tout ce que ses souvenirs et ses études lui rappelaient des édifices religieux de la Sicile et de l’Italie. Au lieu d’un vaisseau large, ouvert, d’une hauteur modérée, où la ligne horizontale serait restée dominante, il nous a donné une nef élancée, hardie, aspirant à l’effet perpendiculaire. Mais comme, pour rester dans les données antiques, il ne pouvait superposer plus de deux ordres de colonnes, il a fallu que ces deux ordres, et notamment le premier, prissent une extrême élévation. Or, quand on fait grandir une colonne, on est en même temps contraint de lui donner un embonpoint proportionnel. Il n’y a que les fuseaux du style à ogives qui se laissent allonger tant qu’on veut sans exiger un surcroît de volume ; les classiques supports sont moins accommodans. Aussi qu’est-il arrivé ? Pour avoir une église tout à la fois antique et moderne, pour fondre ensemble Sainte-Marie-Majeure et Saint-Ouen, il a fallu des colonnes si hautes et par conséquent si épaisses, que l’église, en est comme encombrée. Tel est le diamètre de ces fûts, que, vus obliquement, ils forment une muraille, un massif entre les bas-côtés et la nef. Le plan de l’édifice, le plan par terre, a d’excellentes proportions, la largeur en est très suffisante ; mais la hauteur du vaisseau combinée avec la grosseur des supports contrarie la vertu du plan et a le double inconvénient de produire cette apparence étroite et étouffée si peu conforme au style du monument, et de reléguer sa décoration principale, la frise peinte, à une hauteur qui ne permet ni de la voir sans fatigue, ni d’en apprécier tout l’effet.

Ce dernier résultat est certes bien contraire aux intentions de l’architecte,