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de l’Amour, et arriver précisément dans les pays misérables d’où les populations parties des frontières de la Chine ont pu passer en Amérique[1].

Il y a encore bien loin de l’extrémité septentrionale de l’Amérique au plateau du Mexique, mais on a trouvé dans cet intervalle des monumens qui peuvent être des vestiges du passage des Aztèques durant leur migration vers le sud. Dans une vallée située à l’ouest de la Californie supérieure, c’est-à-dire de la Californie septentrionale, don Vasquez de Coronado rencontra en 1540 des ruines de bâtimens en pierre. On a découvert les débris d’un édifice considérable sur les bords du Gila[2]. On peut voir dans ces édifices et ces ruines comme des témoins de la marche des Aztèques. Il n’y a donc rien que de vraisemblable à faire venir ce peuple du nord de l’Asie en suivant le bord occidental du continent américain.

Il n’en est pas de même des navigations qui auraient amené les Chinois à travers l’Océan Pacifique, de la connaissance qu’ils auraient eue du Mexique dès le Ve siècle de notre ère, et surtout des voyages entrepris par les Aztèques depuis la Mésopotamie jusqu’à Mexico, en rencontrant sur leur chemin la tour de Babel, ou de l’identité, soutenue gravement par quelques antiquaires mexicains, du dieu de l’air Qualzatcoal et de saint Thomas. Le chef-d’œuvre du genre est l’ouvrage de M. John Ranking (Londres, 1827), intitulé : Historical Researches… (Recherches historiques sur la conquête du Pérou, du Mexique, de Bogota, etc., au xar siècle par les Mongols, à l’aide des éléphans.) Suivant cet auteur, le conquérant du Mexique était Koubilaï, petit-fils de Gengiskhan, qui amena des éléphans en Amérique. On n’en saurait douter, car on trouve dans les Cordillères des ossemens de mastodonte ! C’est ainsi que jusqu’à Cuvier on attribuait les débris d’éléphans antédiluviens des Apennins à l’expédition d’Annibal, et que Voltaire, il faut bien le dire comme consolation pour M. Ranking, soutenait que les coquilles fossiles des Pyrénées y avaient été apportées par des pèlerins. M. Abel Rémusat a fait remarquer que « jamais Alexandre le Grand, ni les Romains, ni Gengiskhan, souvent cités pour leurs immenses conquêtes, n’ont joui d’une domination aussi étendue que celle de Chit-sou (nom chinois de Koubilaï), monarque à peine connu, et que ne citent point nos savantes histoires modernes. » M. Ranking a voulu ajouter encore à cet immense empire en faisant conquérir par cet empereur tartare de la Chine, déjà suffisamment pourvu, ce semble, une partie de l’Amérique avec des éléphans.

  1. Wrangel, t. I, p. 122.
  2. Un journal californien annonce qu’on vient de découvrir une pyramide sur les rives du Colorado.