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Enfin, le lendemain matin, comme Joseph Smith sortait pour se rendre à son travail accoutumé, le messager divin se trouva là devant, lui pour lui enseigner le lien mystérieux du dépôt, c’était sur la grande mule qui conduit de Palmyre à Camandigua, dans le comté d’Ontario, état de New-York, au voisinage du petit village de Manchester, qu’habitait la famille de Smith. À main droite, sur le côté occidental d’une haute colline, était pratiquée une excavation au fond de laquelle se trouvait un petit caveau formé de quatre pierres polies, scellées par une cinquième. C’est là que Smith, conduit par l’ange, put contempler le précieux dépôt fait il y avait trente siècles, en ce moment il fut illuminé des lumières du Saint-Esprit, les cieux s’ouvrirent, la gloire du Seigneur brilla à ses côtés et s’arrêta sur sa tête. L’ange lui dit : « Regarde, » et le prince des ténèbres passa devant lui, suivi de son nombreux cortège. « Tout cela t’est montré, reprit le messager divin, le bien et le mal, le saint et l’impur, la gloire de Dieu et le pouvoir des ténèbres, afin que tu puisses désormais distinguer les deux puissances et n’être jamais ni vaincu ni influencé par la mauvaise ; mais tu ne peux pas encore obtenir le livre que tu aperçois, le commandement de Dieu est formel : c’est par la prière et l’exacte observance de ses lois que l’on peut seulement acquérir les choses saintes. Elles sont destinées non point à devenir un moyen de richesse et de puissance, mais uniquement à glorifier son nom. »

Quatre ans s’écoulèrent avant que Smith fût jugé digne d’entrer en possession des annales sacrées, quoique recevant fréquemment des instructions de l’ange, qui était vraiment devenu son génie familier. Le matin du 22 septembre 1827, le, précieux trésor lui fut enfin délivré. L’ange du Seigneur lui remit des feuilles de métal qui avaient l’apparence de l’or, et qui étaient reliées à la manière d’un volume. Ces plaques étaient attachées ensemble par trois anneaux qui les traversaient toutes. L’épaisseur des feuilles était légère, et sur une partie d’entre elles on voyait apposé un sceau mystérieux. Les caractères que portaient ces plaques métalliques avaient un aspect étrange, ils étaient disposés en colonnes. Smith nous a appris que c’étaient des lettres égyptiennes. À en juger par le spécimen qui nous en est parvenu, on peut croire que Champollion et ses disciples n’eussent pas été précisément du même avis. Telle fut aussi l’opinion d’un savant de New-York, M. Charles Anthon, auquel un des nouveaux convertis, Martin Harris, apporta une copie des caractères déterrés à la colline de Cumorah. Toutefois la science humaine ne saurait avoir rien de commun avec la révélation, et l’ange ayant dit à J. Smith que c’était de l’égyptien, cela a suffi aux Mormons. D’ailleurs l’objection que pourraient élever les égyptologues contre l’authenticité des plaques tombe d’elle-même, puisque Smith ajouta que ces caractères n’étaient pas de l’égyptien pur, mais de l’égyptien réformé ; c’est ce qui se lit dans le livre même. Or, comme nous ne savons pas en quoi a consisté la réforme que les descendans d’Israël ont fait subir à la langue des pharaons, on peut très bien admettre qu’elle a été assez profonde pour que le nouvel égyptien ne ressemblât plus du tout à l’ancien. Ces plaques portaient en outre la trace de la plus haute antiquité. Leur authenticité étant donc désormais hors de conteste, il ne restait plus qu’une seule chose à faire, c’était de les interpréter.L’entreprise eût été certainement des plus difficiles, si ceux