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envers la succession hanovrienne n’entrât au besoin dans ses calculs et ne fût au nombre des expédiens qu’il se réservait. J’ajoute qu’il se conduisait absolument comme si cet expédient eût été son but. À l’entendre, nul homme sérieux, avant la mort de la reine, n’y pensait sérieusement : c’est le gouvernement de George Ier qui aurait provoqué les complots jacobites en se plaçant dans un parti exclusif ; s’il eût été plus conciliant, tout le monde s’y serait rallié : sa politique est responsable, des ennemis qu’elle lui a faits. Lui-même, Bolingbroke, n’était devenu le conseiller des Stuarts que pour avoir été persécuté. On laisse à penser si le jacobite du lendemain était bien loin de l’être la veille, et si les hommes qui s’étaient retranchés dans les positions les plus hostiles au parti hanovrien ont bonne grâce à se plaindre que ce parti ne leur ait pas tendu les bras. C’est, il est vrai, une grave question que celle de savoir si George Ier devait se faire exclusivement whig. Elle fut ouvertement discutée dans le temps même et décidée en connaissance de cause. Nous avons encore des pamphlets, écrits avec beaucoup de sens politique, où les deux opinions sont exposées. Il en est un où le système de transaction, de coalition, suivi, autant que possible, par Guillaume III, est accusé de toutes les difficultés du règne de George Ier (The firt Sleps of the Ministry after the Révolution, 1714). Dans un autre, Robert Walpole, qu’on en dit l’auteur et à qui Bolingbroke impute le système de partialité qui prévalut, établit que la conduite du nouveau roi n’a été ni violente, ni tyrannique, et défend le système en le représentant suivant l’esprit de sa politique propre, qui fut en général intolérante en principe, exclusive pour les personnes et modérée dans les actes (A secret History of one year, 1714). Mais, quoi qu’on pense, des premiers ministères de George Ier, et bien que la conciliation semble la règle naturelle d’une dynastie qui s’établit, ce qui arriva était à pou près inévitable. Les haines étaient, trop vives, les griefs trop récens, les défiances trop profondes, les séparations trop absolues, pour qu’un rapprochement des partis fût praticable au début d’un règne, et Bolingbroke surtout, après avoir poussé les choses à l’extrême dans un sens, n’avait nul droit de s’indigner qu’on se jetât dans l’extrémité opposée. Sur ce point encore, il se plaint, du résultat de ses fautes. Enfin ces fautes mêmes se sont-elles élevées jusqu’au crime d’état ? Selon nous, il a abordé la pensée du crime d’état, si le crime d’état était nécessaire à sa fortune. Plus certainement encore, sa conduite a été telle qu’elle devenait absurde, s’il ne conspirait pas contre l’ordre établi. Ainsi condamné par les plus fortes apparences, il a fui à la première accusation, et après sa fuite, un de ses premiers actes a été de commettre publiquement le crime dont il était soupçonné. Nous pouvons trouver trop rigoureux, nous