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Oxford, qui passait pour les protéger encore. Celui-ci s’en tira en n’ayant pas d’avis. Tantôt il n’avait pas assez étudié la mesure, tantôt il s’absentait à l’heure où elle était discutée. Pour Bolingbroke, il osa dire que le bill était de la dernière importance, puisqu’il intéressait la sécurité de l’église, le meilleur et le plus ferme appui de la monarchie, et qu’il devait être soutenu par les honnêtes gens. « La vérité nous appartient, s’écria en parlant du culte anglican le déiste sceptique que devait invoquer Voltaire, et tout doit tendre à la vérité. » C’est la pure formule de la persécution religieuse. Il s’attira les justes railleries de lord Wharton, qui se dit agréablement surpris de voir les hommes de plaisir devenus les patrons de l’église. Après quelques amendemens singulièrement aristocratiques qui l’adoucirent en faveur surtout des précepteurs des fils de lords, le bill passa pour n’être jamais exécuté.

En attendant, la confiance des jacobites s’exalta ; leur imprudence n’eut plus de bornes. Des allusions furent faites en pleine chambre à la possibilité d’une restauration. Des deux côtés, on semblait s’attendre à un conflit entre deux prétendans. Le parlement, dont la majorité malgré ses divisions n’hésitait pas entre la maison de Brunswick et les Stuarts, vota des adresses et des lois pour prévenir et punir toute tentative de rébellion en faveur de la royauté déchue ; le gouvernement ne put se dispenser d’agir ; la reine consentit à la proclamation demandée par la chambre haute, et promit 5,000 livres sterling de récompense à quiconque s’emparerait de la personne du prétendant, s’il paraissait sur le territoire. On s’apprêtait à voter une adresse de remerciemens, quand Bolingbroke entra dans la chambre. Pris au dépourvu par une de ces motions qui embarrassaient toujours le ministère, il dit un peu à l’aventure que la meilleure mesure de défense pour la succession protestante serait une loi qui qualifierait de haute trahison tout enrôlement au service du prétendant. On le prit au mot ; un bill en ce sens fut proposé. On nomma le ministre lui-même président du comité de la chambre où la rédaction fut discutée, et il donna sans préméditation un nouveau gage à la cause hanovrienne.

C’étaient là des nécessités de situation qu’il fallait longuement expliquer aux amis du continent. La proclamation contre le prétendant fut une de ces mesures dont chacun des deux principaux ministres se disculpa soigneusement auprès du cabinet de Versailles, en se l’imputant réciproquement comme un piége que l’un avait tendu à l’autre pour le forcer à se trahir. Chacun prétendit qu’il n’aurait pu s’y opposer sans se perdre, du moins l’abbé Gautier l’écrivit à Torcy le 27 juin, le tenant du comte d’Oxford ; le 8 juillet, le tenant de lord Bolingbroke. « La proclamation ne changera rien, » répéta ce dernier