Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prit la résolution d’abdiquer, et descendit du trône en 1840 sans bruit et sans éclat. La Prusse fut le lieu de sa retraite. Il y mourut le 13 décembre 1843. Par un rapprochement bizarre, M. Van der Duyn, qui, en 1813, était allé au-devant de lui à son retour en Hollande, fut encore chargé de recevoir ses dépouilles mortelles lorsqu’elles arrivèrent à Rotterdam. Il écrivait a cette occasion : « Il y a quelque chose de personnellement singulier pour moi d’avoir vécu assez longtemps et conservé une situation assez marquante pour être chargé de recevoir deux fois, l’une vivant, et l’autre mort, cet homme éloigné à deux reprises de sa patrie : la première par les fautes de son père, et l’autre par les siennes propres. » Il y avait quatre ans alors que le prince d’Orange régnait sous le nom de Guillaume II, en butte à tous les embarras intérieurs que son prédécesseur lui avait laissés en s’éloignant. Son caractère et le rôle qu’il avait joué sous le dernier règne le rendaient peu propre à les dissiper. Le désordre des finances avait nécessité la création de mesures extraordinaires, et les états-généraux, qui n’étaient plus entraînés par l’orgueil patriotique et les rivalités nationales, se montraient exigeans et pleins de méfiance. Les questions constitutionnelles, que la lutte avec la Belgique avait momentanément reléguées dans l’ombre, se soulevaient de nouveau avec une extrême vivacité, et acquéraient d’autant plus d’importance, que la gêne de l’état démontrait mieux le besoin des garanties politiques. Les événemens de 1848 précipitèrent la solution. La mort de Guillaume II fit passer la couronne sur la tête d’un prince étranger aux divisions créées par la séparation de la Belgique, libre dans ses mouvemens, appelé par les circonstances à introduire dans la constitution les changemens depuis longtemps réclamés par l’opinion publique, et à rétablir l’ordre dans les finances. La responsabilité ministérielle a été consacrée, et le système électoral élargi. Une ère plus heureuse s’est ouverte pour la Hollande. Maîtresse d’elle-même, n’ayant plus désormais à consulter que ses seuls intérêts, elle s’y est attachée avec le bon sens, le calme et la fermeté qui la caractérisent. Aujourd’hui les événemens dont nous venons de retracer quelques épisodes ne peuvent plus se présenter à la mémoire des Hollandais que pour leur fournir les enseignemens à l’aide desquels l’histoire éclaire les peuples et les rois.


VIVIEN.