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les souscripteurs impolis. « Jugez, monsieur, écrit-il à un autre, quelle figure fait une sortie comme la vôtre à travers une affaire aussi ruineuse que compliquée, et dont tous les engagemens ont été remplis avec une fidélité scrupuleuse. » Nous devons sans doute à quelque vivacité analogue de Beaumarchais éditeur, réclamant un quatrain inédit de Voltaire, ce billet assez bien tourné d’un littérateur du temps, Cailhava. Ce billet n’est pas daté, mais il s’applique évidemment à l’édition de Voltaire :


« Ma foi, mon confrère en Thalie, je vous l’ai déjà dit et je vous le répète, vous êtes un homme universel. Quand vous faites des drames, ils sont attendrissans ; quand vous faites des comédies, elles sont plaisantes. Êtes-vous musicien ? vous enchantez ; plaideur ? vous gagnez tous vos procès ; armateur ? vous battez les ennemis, vous vous enrichissez, vous discutez vos droits avec les souverains ; amant ? vous êtes toujours le même ; enfin devenez-vous éditeur ? vous l’êtes ; oh ! mais vous l’êtes comme tous les éditeurs ensemble, témoin la fin de votre billet. Je vous envoie le quatrain objet du traité, et suis, mon confrère en Thalie, votre très humble, etc.,

« Cailhava. »


Beaumarchais était bien en effet un homme universel, car c’est au milieu des tracas de sa vie d’agent politique, d’armateur, d’éditeur, de spéculateur en tous genres, c’est en suffisant à toutes les obligations qu’entraîne l’existence la plus répandue, qu’il trouvait encore le temps de consacrer une partie de ses soirées à légitimer le titre un peu suranné de confrère en Thalie que lui donne Cailhava. « Ce qui le caractérisait particulièrement, dit Gudin, c’est la faculté de changer d’occupation inopinément et de porter une attention aussi forte, aussi entière sur le nouvel objet qui survenait que celle qu’il avait eue pour l’objet qu’il quittait. » Beaumarchais appelait cela fermer le tiroir d’une affaire. Essayons de l’imiter en ce point ; fermons ici le tiroir de l’édition de Voltaire et des spéculations en général, pour ouvrir celui des relations de société et des affaires de théâtre, à propos de cette comédie que tout le monde connaît, et qui est à elle seule un des grands événemens du XVIIIe siècle.


Louis de Loménie.