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premier du nom, fondateur de l’indépendance des Provinces-Unies, avait cru pouvoir concourir à affranchir la totalité des Pays-Bas de la domination espagnole, mais il avait tenté vainement de rallier à sa cause les Brabançons, les Flamands et les Wallons. Éclairés par cet exemple, ses fils Maurice et Frédéric-Henri n’essayèrent jamais de réunir aux Provinces-Unies le reste des Pays-Bas, demeuré fidèle à la foi romaine et redevenu espagnol. Plus tard, la cour de Madrid, ne pouvant défendre plus longtemps ces provinces, avait offert à Guillaume III d’en prendre l’administration, et ce prince prudent et éclairé, craignant d’y compromettre sa gloire et sa réputation, avait répondu par un refus. C’étaient là de graves avertissemens pour leur successeur, mais il ne les écouta pas. Il ne recula même pas devant des mesures qui, dés le début de son règne, durent faire croire à la Belgique qu’elle était livrée à la Hollande et asservie par les résolutions des puissances alliées. Cet état de dépendance apparut dans le vote même de la constitution. On sait que les délégués des provinces belges en votèrent le rejet ; ce fut par un calcul peu loyal des votes, à l’aide de chiffres habilement groupés, c’est-à-dire par des adjonctions arbitraires à la minorité et des défalcations également arbitraires de la majorité, que l’on parvint à dénaturer le véritable résultat et à déclarer que la constitution avait été adoptée. On avait eu pourtant recours aux moyens les plus violens pour forcer les suffrages. M. de Capellen raconte à ce sujet un incident caractéristique : « M’étant aperçu, dit-il, que la très grande majorité des notables voterait contre la constitution, à moins qu’on n’eût recours à des moyens qui me paraissaient illégaux et de mauvaise foi pour obtenir une soi-disant majorité, je jugeai qu’il serait imprudent de pousser les choses. Il ne restait que très peu de temps. Je me rendis à La Haye pour donner au roi les informations nécessaires et lui faire prendre en considération de ne pas forcer l’opinion, mais d’aviser à d’autres moyens. Quelques heures après mon arrivée, le roi assembla son conseil, auquel j’assistai. Il fut décidé, après de longues discussions, que la chose était trop avancée pour reculer, que cela ferait le plus mauvais effet et serait considéré comme une marque de faiblesse de la part du gouvernement, et qu’on devait absolument passer outre et continuer comme on avait commencé. Je retournai dans la nuit à Bruxelles pour exécuter les ordres du roi. » Voilà sous quels auspices s’ouvrait le règne de la maison d’Orange en Belgique.

MM. de Capellen, Van der Duyn et de Grovestins peignent Guillaume 1er, chef de cette maison, et son caractère avec des traits peu flatteurs, où perce souvent le déplaisir que sa politique leur causait, mais qui portent le cachet, de la vérité, étant le fruit d’observations longues, répétées et faites sur le modèle, si l’on peut ainsi parler. Nous