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avait de son côté refusé de ratifier le traité conclu en son nom avec le congrès par Francy. Tirant le meilleur parti possible des lettres de change à trois ans de date, il ne spéculait plus avec les corps constitués, et se bornait à attendre que le congrès réglât définitivement son compte général.

En 1781, Silas Deane revint en France pour apurer tous les comptes qu’il avait laissés en suspens ; celui de Beaumarchais fut fixé par lui le 6 avril à une somme de 3,600,000 livres, après déduction des à-comptes payés, et en y comprenant les intérêts à partir des premiers envois. Muni de ce titre, Beaumarchais réclama du congrès son remboursement. Pas de réponse pendant deux ans. En 1783, un nouvel agent des États-Unis, M. Barclay, arrive à Paris avec la qualité de consul-général et la mission de réviser les comptes arrêtés par Silas Deane. Beaumarchais refuse de soumettre son compte déjà réglé à un nouveau règlement ; M. Barclay lui déclare que le congrès n’entendra et ne paiera rien, à moins que son compte n’ait été de nouveau débattu et examiné. Après un an de résistance, Beaumarchais cède. Le compte est révisé et réduit par M. Barclay ; mais le gouvernement américain persiste à ne rien payer, et bientôt un incident qui s’élève à l’insu de Beaumarchais détermine le congrès à ajourner indéfiniment la créance de ce dernier ; voici cet incident.

Les États-Unis ayant déjà reçu beaucoup d’argent du gouvernement français et demandant, en 1783, un nouveau prêt de six millions, il fut convenu qu’en leur prêtant ces six millions, on réglerait leur situation vis-à-vis de la France par une récapitulation exacte dans le contrat de toutes les sommes qu’ils avaient déjà reçues, soit à titre de prêt, soit à titre de don. Dans la première classe, à titre de sommes prêtées successivement, on énonça d’abord 18 millions, plus un emprunt de 10 millions en Hollande, garanti par le roi de France et dont il payait les intérêts ; enfin les six millions, objet du dernier emprunt. Tout cela constitua une somme de trente-quatre millions, que les États-Unis s’engagèrent à rembourser à différentes époques, et qui, par parenthèse, ne furent pas très exactement soldés aux échéances. Enfin la générosité du roi fit entrer dans le contrat une seconde catégorie de sommes, dont il déclarait faire don aux États-Unis. Cette catégorie se composait : 1° de 3 millions accordés, disait le contrat, antérieurement au traité d’alliance de février 1778 ; 2° de 6 millions donnés en 1781. C’était donc 9 millions que le roi de France, indépendamment des sommes prêtées et des sommes énormes dépensées dans la guerre d’Amérique, déclarait abandonner gratuitement. Or, par une étourderie assez bizarre, Franklin, qui avait signé ce contrat le 25 février 1783, ne s’aperçut que trois ans plus tard, en 1786, lorsqu’il était déjà retourné en Amérique, qu’il y