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dicta à un de ses secrétaires, en présence du général, le décret de 1810 qui prononçait la réunion de la Hollande à la France, la réduction de la dette publique au tiers, et l’envoi du prince architrésorier en qualité de lieutenant de l’empereur. Deux jours plus tard, ce haut-commissaire arrivait à Amsterdam et s’installait dans le palais du roi. Après avoir fait prêter aux ministres un serment provisoire, il leur ordonna au nom de l’empereur de continuer leurs fonctions et de se rassembler en conseil sous sa présidence jusqu’à l’établissement de l’organisation française, qui eut lieu le 1er janvier 1811. Après la première cérémonie, le prince Lebrun, voyant le ministre de l’intérieur triste et mécontent, lui demanda quelle était la cause de ce chagrin. « Je lui répondis sans détour, raconte M. de Capellen, qu’attaché à mon pays et au souverain qui venait de nous quitter, je considérais ce moment, qui rayait la Hollande des états de l’Europe, anéantissait son indépendance et son existence politique en l’incorporant à un grand empire, comme le plus malheureux de ma vie, ce qu’il devait comprendre en se mettant un moment à ma place. » Soit que le lieutenant de l’empereur ne comprit pas en effet cette douleur patriotique, soit qu’il crût devoir dissimuler ses propres impressions, il répondit à M. de Capellen : « Vous ne considérez pas la chose sous son vrai point de vue. La destinée de votre pays n’a jamais été aussi belle qu’aujourd’hui : le voilà associé aux destinées du grand empire, dont il va partager la gloire. » Puis, faisant appel à l’ambition du ministre : « Vous êtes jeune, ajouta-t-il, vous aurez un bel avenir. L’empereur y pourvoira dans sa sagesse : il vous nommera conseiller d’état ou vous placera au corps législatif, ou bien utilisera vos talens d’une autre manière. — Monseigneur, répliqua M. de Capellen, la seule et unique grâce que je vous demande, c’est de m’obtenir le plus tôt possible la démission de mes fonctions, car il m’est impossible de bien servir après avoir perdu ma patrie. Veuillez ne pas provoquer une nomination que je ne saurais accepter. » Lebrun ne put s’empêcher de rendre hommage à ces nobles sentimens ; il combla de bontés M. de Capellen pendant le temps qu’il fut forcé de demeurer encore ministre, et ne prit pas en mauvaise part le refus qu’il lui fit de la croix de commandeur de l’ordre de la Réunion.

Le roi Louis s’était retiré en Styrie comme simple particulier, et y jouissait d’un revenu qui n’allait pas au-delà de 40,000 florins. Après s’être montré, pendant son règne, peu économe des deniers de l’état et surtout très généreux sur sa propre cassette, il conserva les mêmes habitudes dans sa retraite. Une grande partie de son revenu passait aux pauvres et souvent à des intrigans qui abusaient de sa facile charité. M. de Capellen dut l’engager à mettre un terme à ses prodigalités, afin de ne pas finir par se ruiner. Des relations s’étaient maintenues