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engrais et aux influences atmosphériques ; or c’est précisément ce que fait la taupe, et l’idéal de la bonne culture serait de réduire le sol entier d’un champ à l’état où se trouve la terre des taupinières. Pour cela, que faut-il ? Imiter la taupe, s’armer comme elle de griffes et gratter la terre, de manière à la pulvériser. La bâche et la charrue sont des instrumens arriérés ; ce qu’il faut, ce sont des multitudes de pattes de taupes mises en mouvement par une lame assez puissante pour vaincre la résistance des terres les plus compactes. Cette force, on ne l’avait pas jusqu’ici ; mais aujourd’hui on la possède, c’est la vapeur, éminemment propre à produire un mouvement de rotation en avant, et à fouiller le sol avec des griffes de fer comme elle bat déjà l’eau avec des roues. »

Cette idée renferme peut-être le terme d’une révolution radicale. Plusieurs indices montrent déjà que le génie mécanique est sur la voie. À l’exposition de Glocester, le jury a décerné une médaille à une machine nouvelle nommée machine à piocher [digging machine), qui repose exactement sur ce principe. Encore un pas, et les mille pattes de taupe seront trouvées. On commence même à dire vaguement qu’elles le sont, et qu’un inventeur américain a résolu le problème en combinant la force de la vapeur avec celle des chevaux. La grande difficulté qui empêchait jusqu’ici le labourage à la vapeur serait ainsi tournée. Ce ne serait pas précisément du labourage, mais ce serait mieux ; toutes les façons successives qui se donnent aujourd’hui à la terre se donneraient à la fois et par un même instrument, immense économie de temps et de force. Avant peu, l’expérience sera faite ; un des plus grands constructeurs d’instrumens aratoires de l’Angleterre s’en occupe, dit-on, car on va vite dans ce pays-là, et les idées n’y restent pas longtemps à l’état théorique. Nous verrais bien. Si la tentative réussit, nous dirons que, nous aussi, nous en avions trouvé le germe dans la défonceuse de M. Guibal, couronnée deux fois au concours de Versailles, et nous aurons quelque, raison ; mais hélas ! le germe n’a pas été fécondé.

Le département des animaux contenait à Glocester plus de mille têtes. Voilà encore des chiffres qui montrent une véritable émulation chez les éleveurs. Les belles espèces de bétail sont maintenant généralement répandues en Angleterre. Je visitais, il y a quelques jours, un des coins du comté de Bucks ; dans les plus petites fermes, j’ai trouvé des taureaux courtes-cornes, des vaches d’Ayrshire et d’Alderney. L’exposition de cette année, malgré le nombre et la beauté des animaux exposés, n’a pourtant pas complètement satisfait les amateurs. On a remarqué une diminution dans le nombre sur les années précédentes ; il y avait eu à Windsor, en 1851, plus de 1,200 têtes de bétail. On a trouvé aussi que, pour la qualité, certaines espèces, surtout les bœufs courtes-cornes, laissaient à désirer. Cet affaiblissement tient à plusieurs causes, d’abord le trop grand nombre d’expositions et de concours qui se tiennent presque à la fois sur tous les points du territoire, ensuite le degré de perfection où l’on est arrivé pour l’élève du bétail et qui ne parait pas susceptible d’être dépassé ; on pourrait plutôt remarquer un mouvement en arrière, un commencement de réaction contre les races qui prennent la graisse trop vite et trop abondamment, et qui pourrait bien aboutir à une dégénérescence.