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pour toutes sortes de raisons est celle dite de Bell. Au moment où la machine américaine de Mac-Cormick excitait la plus grande rumeur, il y a deux ans, on apprit tout à coup qu’un Écossais nommé Bell avait déjà inventé un instrument du même genre et s’en servait obscurément dans sa ferme depuis environ douze ans. De là une vive émotion dans toute la Grande-Bretagne. L’orgueil national, qui venait de subir plusieurs échecs de la part des Yankees, notamment dans la fameuse régate de l’île de Whigt où un yacht américain avait si complètement battu l’élite des yachts anglais, s’est attaché à la machine de Bell pour l’opposer à celle de Mac-Cormick et à toutes les autres qui sont venues d’Amérique depuis. Elle a déjà obtenu le prix de la Société d’agriculture d’Ecosse au dernier meeting de Perth, et le grand fabricant d’instrumens aratoires du Yorkshire, William Crosskill, s’en étant emparé pour l’importer en Angleterre, elle y paraît destinée au même succès.

Outre son origine nationale, la machine de Bell parait avoir une véritable supériorité sur ses rivales d’Amérique ; elle est beaucoup plus chère, puisqu’elle coûte 12 livres sterl., tandis que celle de Hussey n’en coûte que 15, et de plus elle parait plus lourde ; mais elle n’emploie qu’un homme, tandis que les autres en exigent généralement deux. Outre le charretier qui conduit les chevaux, la machine de Mac-Cormick a besoin d’un ouvrier qui ramasse avec un râteau les épis sciés par l’appareil tranchant, tandis que dans celle de Bell cette besogne est faite par la machine elle-même. Quant à la précision du travail, on la dit plus grande, et c’était bien nécessaire ; car la machine de Mac-Cormick, la seule, que j’aie vue marcher, laissait encore beaucoup de paille et souvent beaucoup d’épis sur le sol. L’inventeur affirme que, dans sa pratique, elle moissonne parfaitement 12 acres anglais ou près de cinq hectares de froment, orge ou avoine par jour : l’expérience décidera. Je n’essaie pas ici de la décrire ; une description sans figures serait tout à fait inintelligible.

La Société royale avait promis en même temps un prix de 10 souverains pour la meilleure machine à faucher, mowing machine ; le prix n’a pas été donné, bien que onze instrumens aient concouru : les juges n’ont pas trouvé que le résultat désirable fût suffisamment obtenu.

Arrivons aux machines à vapeur, steam engines. Voilà, plus encore que la machine à moissonner, la grande question actuelle de l’agriculture anglaise. Ici seulement la question change, un peu de nature ; pour le reaper, c’est la valeur même de l’instrument qui est en cause. Pour le steam engine, l’utilité n’est pas douteuse : toute la difficulté est dans le prix. Sous ce rapport même, le progrès est sensible. À l’exposition de Norwich, en 1849, la meilleure machine à vapeur pour les usages agricoles était celle de Garrett, qui consommait 11,50 livres anglaises de charbon par cheval de vapeur et par heure. À Exeter, en 1850, Hornsby avait déjà réduit celle consommation à 7,56 liv. En 1851, à la grande exposition, le même la réduisit à 6,79, et en 1852, à Lewes, à 4,66 ; cette année, c’est Clayton qui a obtenu le prix avec 4,32. Voilà en quatre ans une économie de près de deux tiers sur la consommation du charbon, et il est probable qu’on ne s’arrêtera pas là. Tels sont les effets de la libre concurrence.

Le 6 juin dernier, à la dernière séance d’une autre association agricole, le