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d’après laquelle le roi veille à ce que tous les cultes restent dans la limite des lois, n’a et ne peut avoir, selon les adversaires du projet, aucun caractère préventif, qui serait d’ailleurs incompatible avec la stipulation constitutionnelle. Que disent, au contraire, les partisans de la loi ? Ils soutiennent que l’article de la constitution ne s’applique qu’aux individus, à la famille, au culte pratiqué dans l’enceinte domestique. Quant au culte public, c’est l’article suivant qui le règle, et l’article 165 de la constitution ne parle plus de liberté absolue, mais de protection égale accordée par l’état à toutes les communions, d’où naît pour le gouvernement le droit d’intervenir dans l’organisation des cultes. Il faudrait ajouter à ce rapide exposé bien des avis intermédiaires. Cela suffit, il nous semble, pour donner une idée de la nature de la discussion qui va prochainement s’ouvrir dans les chambres de La Haye. La Hollande a donné assez de preuves de modération et de sagesse pour que ces débats soient moins à redouter qu’ailleurs, et pour qu’il soit permis de penser que de toutes ces difficultés d’un moment le principe de la liberté religieuse sortira intact et de nouveau confirmé en quelque sorte par la conscience publique.

En Danemark, les affaires qui depuis si longtemps occupent le pays et l’Europe ont reçu une solution que cette fois l’on peut regarder comme définitive. On ne rappelle qu’en mai 1852, les puissances intéressées dans la question, le Danemark, L’Angleterre, l’Autriche, la France, la Prusse, la Russie et la Suède, avaient signé à Londres un traité destiné à régler la succession danoise, dans l’éventualité prévue de l’extinction de la dynastie régnante. Ce traité appelait à l’hérédité présomptive, ainsi que sa descendance masculine, le jeune duc Chrétien de Gluksbourg, issu par son père de la ligne mâle des rois de Danemark et très proche parent par sa mère du roi actuellement régnant ; mais par un protocole signé à Varsovie, entre le cabinet de Copenhague et celui de Saint-Pétersbourg, il avait été convenu qu’en renonçant à ses prétentions sur les portions des duchés qui pouvaient lui revenir en cas de dissolution de la monarchie danoise, le tsar se réservait toutefois d’être admis à les faire valoir le jour où la ligne mâle de Gluksbourg viendrait à son tour à s’éteindre. On pourrait donc concevoir que la famille de Holstein-Gottorp, dont l’empereur de Russie est le chef, fût un jour admise à régner sur une portion des duchés. Or, le traité de Londres ayant d’autre part établi que les diverses provinces de la monarchie forment un tout indivisible, n’y avait-il pas lieu de craindre que le trône danois ne se trouvât ainsi ouvert, dans un cas donné, aux souverains de Russie ? Voilà ce que le parti national tout entier pensa dès le premier moment en Danemark. Quand le ministère vint demander aux chambres de donner leur assentiment officiel au traité de Londres, il rencontra donc une opposition non équivoque. Dans le pays comme dans le parlement, il y eut un mouvement très marqué d’inquiétude, et soit que le cabinet lui-même partageât jusqu’à un certain point ces inquiétudes, vivement exprimées par les organes de la presse, soit qu’il ne voulût que rassurer le pays, il avait cru devoir prendre l’opinion des puissances signataires du traité de Londres sur la manière dont ce traité devait être compris quant au point devenu l’objet des alarmes publiques.