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modération et du calme sur le feu des jalousies et des petites prétentions ; 4° puis, parce qu’avec du goût et des habitudes studieuses les affaires et surtout leurs détails me causent un ennui insupportable. Je n’ai pas pour consolation les illusions de la vanité. Je ne jouis aucunement de titres qui à la vérité ne donnent pas d’avantages et de distinctions réelles, mais qui probablement me sont enviés par bien des gens. Oh ! que j’aurais de plaisir à quitter tout cela, et à planter là toute cette belle chienne de boutique ! Que je le ferais vite si j’étais seul et n’avais à songer qu’à moi ! Que je me réduirais volontiers au plus strict nécessaire pour me retirer avec mes chers livres dans deux chambres, libre, indépendant, maître de ma personne et de l’emploi de mon temps ! Mais avec mes enfans, qui me sont si chers, je ne puis vivre ainsi… Voilà donc mon devoir tracé : reprenons demain avec quelque courage ma pénible tâche, et souvenons-nous de ce que disait feue Mme de Charrière de spirituelle mémoire : « Il faut que la chèvre broute où elle est attachée. » Il resta pourtant vingt-sept ans gouverneur de la Hollande méridionale, et en 1842 les états de la province lui firent frapper une médaille en l’honneur de la part qu’il avait prise aux évènemens de 1813 et d’une administration éclairée d’un quart de siècle.

Après les évènemens de 1848, M. Van der Duyn, qui s’était retiré de la vie politique, crut devoir y rentrer sur l’appel que le roi Guillaume II fit à son dévouement ; il fut nommé membre de la première chambre des états-généraux, et, fidèle aux opinions de toute sa vie, il écrivait le 14 septembre : « Vous aurez peut-être appris que je n’ai pu me refuser à faire partie ce que l’un nommait ci-devant en France une fournée de pairs. Oui, roi et ministres ont trouvé bon d’utiliser, pour ne pas dire exploiter, l’espèce de popularité que je puis dire que je possède encore, et de laquelle j’ai reçu des preuves touchantes à l’occasion de ma maladie, en dernier lieu. Les argumens employés pour m’engager à remonter sur les tréteaux de la scène politique étaient de nature à me rendre en conscience tout refus impossible. D’ailleurs, ce que l’on veut et espère obtenir coïncidait avec mon opinion ancienne déjà de la nécessité d’une révision de notre constitution politique. » Cette nouvelle phase de la vie de M. Van der Duyn ne fut pas de longue durée ; le poids des années se faisait sentir ; sa santé s’était altérée. Aux premières atteintes du mal, il écrivait : « C’est peut-être le commencement lent de la fin ; » et au mois de décembre 1848 il expirait au milieu de ses enfans, leur laissant un nom respecté et de nobles exemples.

La carrière de M. de Capellen a été comme parallèle à celle de M. Van der Duyn ; mais si leurs opinions politiques étaient les mêmes, leurs goûts différaient profondément. Il possédait, dit l’éditeur de