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l’exécution de plusieurs des mesures qui viennent d’être signalées. Les allocations du gouvernement anglais pendant la famine ont été généralement mal dépensées, Ce n’est pas seulement en France que les ateliers nationaux donnent un travail improductif. Les prêts faits pour provoquer les améliorations agricoles ont au contraire eu des résultats excellens, mais les secours partiels d’un gouvernement ne modifient pas une situation économique tout entière. Il y a beaucoup à dire en principe contre la loi des pauvres ; après l’avoir vue fonctionner en Irlande, je n’en souhaite pas l’application en faveur des classes souffrantes de mon pays. Elle aurait eu, sans l’émigration, des conséquences atroces pour les pauvres, et d’un autre côté, dans certains districts, elle a été une spoliation véritable à la propriété. Néanmoins, prises dans leur ensemble, les mesures adoptées par le gouvernement anglais ont un caractère de bienveillance qu’il serait injuste de méconnaître. Pourquoi paraissent-elles à la fois insuffisantes et excessives ?

Les deux plus importantes de ces mesures, les poor laws et la cour des encumbered estates, ne s’appliquent qu’aux situations extrêmes et perdues. Celle-ci dégage la terre en ruinant le propriétaire, celle-là empêche le pauvre de mourir de faim à la condition qu’il ira en prison. Toutes deux étaient inévitables, elles étaient les conséquences nécessaires d’une situation fatale ; mais le principe du mal n’est pas atteint. Comme dirait un médecin, on n’a traité que les symptômes. La cause pour laquelle l’Irlande a été jetée en arrière de plusieurs siècles, comme état économique, n’est pas suffisamment modifiée. Les motifs qui font que la propriété se vend à un prix si inférieur dans une des îles britanniques, que l’intérêt hypothécaire y est accablant, que le capital manque pour produire le travail, — qui ferait la richesse des uns et assurerait la vie des autres, — ces motifs subsistent encore ou ne sont que faiblement atténués. Dieu me garde de blâmer aucune des mesures de charité publique adoptées en Irlande ! Le peuple mourait non pas seulement de misère, mais de faim : il fallait à tout prix venir à son secours. Seulement ce serait une grande erreur de juger des avantages de la loi des pauvres par les charges qu’elle impose à la propriété, et de croire qu’elle enrichit les uns parce qu’elle ruine, les autres. Elle ne donne aucun moyen à l’homme abattu de se relever ; elle absorbe tous les revenus de la propriété, elle diminue la somme des salaires consacrés au travail productif, elle rend toutes les améliorations impossibles, elle appauvrit la généralité et n’a de contrepoison que l’expatriation. De plus, en Irlande la loi des pauvres place le propriétaire vis-à-vis du tenancier dans des conditions de dureté particulière dont j’aurai à examiner les effets.

C’est un préjugé très commun que la terre ne paie rien ou presque