Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

locales, car il semble avoir cru qu’en publiant le Boston News-Letter tous les jeudis, il remplissait une sorte de service public. Non-seulement il parle de sa mission (trust) ; mais dans les nombreuses pétitions qu’il adresse à la cour générale pour obtenir une subvention en faveur de la poste, la publication de son journal est presque le premier litre qu’il mette en avant : « Depuis deux ans, dit-il dans une pétition de 1706, le pétitionnaire s’est imposé pour le bien public la charge et la dépense d’imprimer chaque semaine une lettre de nouvelles, contenant les événemens du dehors et de l’intérieur, et l’a publiée à un prix plus modéré qu’on ne le fait dans une partie de l’Angleterre, quoique les frais soient ici quatre fois plus considérables. Cependant le pétitionnaire n’a point reçu encore un encouragement suffisant pour défrayer les charges indispensables de son œuvre. » Les plaintes réitérées de Campbell montrent que son entreprise n’était pas des plus lucratives ; elle fut en outre, traversée par des malheurs. Le grand incendie du 9 octobre 1711, qui consuma une grande partie de Boston, détruisit les bureaux de la poste, la maison que Campbell venait de rebâtir, son mobilier, la presse et le matériel d’imprimerie qu’il avait achetés.

Campbell, sans se décourager ; eut de nouveau recours aux presses de Barthélemy Green, et le Boston News-Letter n’éprouva aucune interruption ; la collection en existe encore, et elle a été consultée avec fruit par les annalistes de Boston quand ils ont voulu écrire l’histoire de leur ville. Les feuilles sont numérotées et se succèdent régulièrement de semaine en semaine, mais le format varie perpétuellement de l’in-folio à l’in-quarto, et même à l’in-octavo. Campbell en donne ingénument la raison dans son numéro 577, en date du 2 mai 1715 : « Si l’entrepreneur, dit-il, recevait un encouragement convenable, soit sous la forme d’un traitement, soit par un nombre suffisant de souscripteurs qui s’engageraient pour l’année entière, il donnerait une feuille par semaine pour répandre les nouvelles : mais, faute de l’un ou de l’autre de ces encouragemens, il est réduit à faire de son mieux. » Quand la publication du journal coïncidait avec l’arrivée d’un navire d’Europe, ou donnait une pleine feuille aux abonnés ; on se réduisait par économie à l’in-octavo quand les nouvelles chômaient. Peu à peu les annonces vinrent se joindre aux nouvelles ; elles finirent par rendre lucrative une entreprise d’abord onéreuse, et lorsqu’en 1719 Campbell fut remplacé dans ses fonctions de directeur des postes, il n’en continua pas moins à publier son journal.

Le Boston News-Letter demeura près de seize ans le seul journal américain. Ce n’est qu’en 17I9 qu’André Bradford, qui cumulait à Philadelphie le métier d’imprimeur-libraire et les fonctions de directeur des postes, suivit l’exemple que lui avait donné Campbell, et publia, le 10 décembre, l’Américan Weekly Mercury, le premier journal qu’ait eu la Pennsylvanie. D’autres journaux ne devaient pas tarder à naître. Le successeur de Campbell dans la direction des postes, William Brooker, fit paraître, le 18 décembre 1720, la Gazette de Boston. M. Thomas, dans son Histoire de l’Imprimerie américaine, fait remonter au 21 décembre 1719 l’apparition de la Gazette, qui aurait été, suivant lui, le second journal non-seulement de Boston, mais de l’Amérique. Cette publication fut un coup sensible pour le vieux Campbell, qui, dans sa feuille, s’exprima en ces termes sur le compte de son concurrent : « Je plains