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proroge le parlement, nomme le comte de Marlborough général en chef, devinant dans cet homme naguère en disgrâce l’héritier et le vengeur de sa politique guerrière, et il va sur le continent former cette coalition célèbre qui fut appelée la grande alliance. Sur ces entrefaites, Jacques II se meurt à Saint-Germain (septembre 1701), et Louis XIV, touché des pleurs d’une femme, oubliant auprès du lit d’un mourant qu’il avait à Ryswick reconnu une autre royauté, croit sa grandeur intéressée à proclamer étourdiment, sous le nom de Jacques III, le prince de Galles encore enfant. C’était le sûr moyen de populariser en Angleterre la guerre de la succession qui commençait. Cette faute inouïe rendait à Guillaume toute sa liberté. Affranchi désormais de son parlement et de son ministère, il dissout l’un, dédaigne l’autre, et, tandis que le prince Eugène marchait en Italie, il ouvre la session du parlement nouveau par un discours remarquable qui peut être regardé comme son testament politique, et où l’on crut reconnaître la main de lord Somers (30 décembre 1701). La nation était avec lui, et les dernières élections, sans ôter aux tories la majorité, les avaient affaiblis. Quarante-six d’entre eux n’avaient point été renommés. Une majorité faible reporta Harley au poste d’orateur. Le sentiment public d’ailleurs pesait sur les communes et forçait les dissidences à s’effacer en présence du danger. Un bill d’attainder, c’est-à-dire une mise hors la loi pour haute trahison, fut rendu contre le prétendu prince de dalles, un autre bill connu sous le nom de bill d’abjuration, et qui obligeait tous les officiers publics, tous les membres de l’église ou des universités, toutes les personnes qui tenaient école, à reconnaître par serment le droit de Guillaume, à nier par serment le droit de Jacques et de sa race, prit naissance à la chambre des lords, et, bien que modifié par l’autre chambre, il fut regardé comme une victoire éclatante de ceux qui se glorifiaient de la révolution sur ceux qui s’en excusaient. Il créa dans la nation une nouvelle division, celle des jureurs et des non-jureurs, mais il ne laissa aux incertains que la ressource de la restriction mentale ou du parjure.

La main mourante de Guillaume III signa ces lois conservatrices de la succession protestante et des principes de 1688. Le 10 mars 1702, ce grand homme n’était plus.


V

Un mois avant de mourir, il avait donné au comte de Carlisle la place de Godolphin et demandé à Rochester sa démission ; mais la reine Anne arrivait au trône le cœur plein de ressentiment contre la mémoire de son beau-frère. Elle n’aimait ni sa personne, ni ses principes,