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La presse envenima la querelle. Swift, alors peu connu, publia son premier ouvrage politique. C’était une histoire des dissensions de la noblesse et du peuple dans Athènes et dans Rome, où, sous le voile des allusions, il dénonçait l’esprit de violence et d’envahissement de la chambre élective, et défendait les pairs accusés : Portland était Phocion, Somers Aristide, Orford Thémistocle, et Halifax Périclès. Cet ouvrage, encore estimé des critiques, est tout à la gloire des whigs et de Guillaume III. Swift, porté en général pour la prérogative royale, était destiné à devenir un tory forcené ; mais à cette époque on accusait les tories de faire alliance avec les républicains, et les communes, pour satisfaire leurs passions, exagéraient leurs privilèges. De Foe, le pamphlétaire le plus fécond du temps, et qui appartenait au parti populaire, écrivit dans le même sens que Swift, et sous la forme d’une pétition supposée, une représentation hardie qu’il signa Légion et qu’il remit, dit-on, lui-même déguisé en femme à l’orateur au moment où celui-ci entrait au parlement. La chambre chercha vainement à se venger ; l’anonyme était à cette époque une protection suffisante, et aujourd’hui encore la loi anglaise donne peu de moyens d’en déchirer le voile. Une controverse très animée suivit, où De Foe soutint sa thèse par des écrits successifs. Les droits tant des pairs que du peuple contre les communes furent énergiquement revendiqués ; la nature du gouvernement fut étudiée et discutée dans de nombreux écrits dont quelques-uns sont attribués à lord Somers. Le public en général, celui du moins dont la voix se fait entendre, ne fut pas pour la chambre élective. Dans la situation critique où était L’Europe, elle choquait, en cédant aux préjugés et aux rancunes de la petite aristocratie des campagnes moitié tory, moitié jacobite, la politique des hommes d’état et le patriotisme des masses.

À cette époque, la guerre était devenue inévitable. En apprenant que l’Angleterre et la Hollande reconnaissaient la royauté du duc d’Anjou, l’empereur s’était plaint, non sans raison, et il avait réuni ses armées. Les états-généraux, à qui la France ne donnait nulle satisfaction sur leurs intérêts liés de tant de manières à la question de la succession d’Espagne, et qui voulaient avant tout se faire une frontière du côté des Pays-Bas, avaient réclamé l’appui des Anglais. Le parlement, consulté, et qui commençait à ouvrir les yeux, avait promis au roi son concours dans l’assistance qu’il prêterait à ses alliés et à la liberté de l’Europe. On en venait à regarder la royauté d’un Bourbon en Espagne comme incompatible avec l’équilibre général. L’opinion publique revenait au roi, abandonnant avec les communes le ministère qui les avait soutenues dans leurs luttes contre les lords. Guillaume alors sent qu’il redevient le maître. Aussitôt il