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ou huit mille hommes. Par le bill des droits, toute année permanente était interdite en temps de paix sans le consentement du parlement. Cet article avait été suspendu par la guerre ; mais la pacification générale de l’Europe devait mettre un terme au développement excessif de l’état militaire du pays. Cependant Guillaume III voulait conserver des forces de terre et de mer assez imposantes ; il craignait qu’un désarmement n’encourageât, ou ne ranimât la belliqueuse ambition de la France. Soit conviction, soit déférence, les hommes d’état whigs s’accordaient avec lui sur ce point, mais ils n’entraînaient pas tout leur parti, et donnaient beau jeu aux tories, qui, en désarmant le roi de la révolution, semblaient cette fois entrer dans l’esprit de la constitution et jouer le rôle du patriotisme. La majorité fut avec eux. Vainement le roi menaça-t-il de renoncer au gouvernement. L’armée fut licenciée, ou du moins réduite à sept mille hommes. La résistance que les chefs du parti de la cour avaient faite à cette mesure produisit un double et triste effet ; elle porta un coup funeste à la popularité des whigs dans l’esprit de la nation, et comme elle fut vaine, elle acheva de persuader au roi que pour le moment ils ne formaient pas à eux seuls un suffisant parti de gouvernement, et que sa politique serait mieux comprise ou mieux servie par les tories, s’il parvenait à les rallier. Déjà, devant la sévérité de l’opinion, lord Sunderland s’était cru obligé de résigner ses fonctions de lord chambellan. Edouard Russell, comte d’Orford, qui avait habilement dirigé la marine dans la dernière guerre, quitta l’amirauté, soupçonné de malversation. Enfin le premier des whigs, le chancelier Somers, poursuivi par la malveillance de la chambre, fut forcé de rendre le grand sceau. Ainsi l’administration s’en allait en lambeaux. Le duc de Shrewsbury avait été forcé, par une chute de cheval, de renoncer au poste de secrétaire d’état. Lui-même était convenu avec lord Sunderland qu’il fallait refaire une nouvelle majorité, et il partit pour l’Italie. Force était donc de recomposer le cabinet. Ce fut, avec l’agrément du roi, lord Rochester qui ouvrit la porte aux tories. Sous le titre de lord lieutenant d’Irlande, avec dispense de résider dans son gouvernement, il fut mis à la tête de l’administration. Le second fils du célèbre comte de Clarendon, Laurens Hyde, comte de Rochester, était un tory intolérant en politique comme en religion, à qui il ne manquait pour être jacobite que d’être resté fidèle en 1688 à Jacques II, son beau-frère. Ambitieux, impérieux, violent, il apportait au pouvoir plus d’autorité que d’habileté. Il fallait un ministre pour les affaires. Montagne, qui sous ce rapport possédait la confiance des communes, avait tout facilité en quittant la chambre et l’échiquier pour le titre, alors vacant, de lord Halifax. Godolphin fut élevé à la dignité de premier commissaire de la trésorerie. Il avait plutôt