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whigs, il votait en whig au parlement. Le fils était un esprit libre et téméraire, au moins indifférent aux croyances religieuses, peu touché de l’autorité des traditions, des engagemens ou des doctrines, entreprenant, indépendant, ambitieux ; il se jeta dans le parti tory, dont il devint bientôt la force et la parure.

Mais ici, pour bien expliquer sa conduite, il faut écrire, ou peu s’en faut, un fragment de l’histoire d’Angleterre.


III

Rien n’est plus populaire aujourd’hui dans la Grande-Bretagne que le souvenir de 1688 et la gloire de Guillaume III ; mais le sentiment de la postérité n’était pas celui des contemporains. Sans doute la révolution avait assuré la puissance et l’inviolabilité des principes pour lesquels la nation avait souffert et lutté, surtout depuis quarante ans. La vieille et chère constitution, développée dans le sens de la liberté publique, était enfin assise ou raffermie sur de solides fondemens. Le pays voyait à la fois ses traditions consacrées, son ambition satisfaite, sa sagesse récompensée par ses lois, et un prince dont il pouvait être fier lui avait été donné comme pour rattacher à la délivrance d’un grand peuple le prestige d’un grand homme. Cependant, tant que dura son règne, l’inquiétude, le doute et même un certain mécontentement émurent, sinon profondément le gros de la nation, au moins les grands partis et ce qu’on appelle dans les états libres le monde politique. Quand on a exécuté l’entreprise toujours hasardeuse de se donner un gouvernement, j’entends un gouvernement fondé sur des principes et tenu d’observer la justice et les lois, on devient d’autant plus difficile pour lui, qu’on en a plus attendu, et les obstacles qu’il rencontre, les périls qu’il court, les fautes qu’il commet, étonnent et inquiètent d’autant plus qu’il est nouveau, qu’il a ses preuves à faire, son existence même à justifier. Sitôt que, par une fatalité inévitable, il laisse apercevoir qu’il est dans la condition de toutes les choses humaines, c’est-à-dire imparfait, gêné, destructible, on entre en défiance de sa durée, on se demande si l’on a eu raison d’applaudir ou de coopérer à son établissement. Les timides s’effraient trop, les difficiles exigent trop. Un pouvoir héréditaire que l’on n’a pas vu naître, qu’on ne croit pas voir mourir, est admis presque comme quelque chose de nécessaire. On peut plaindre ses revers ou blâmer ses erreurs, on en conçoit peu d’inquiétude. Les individus ne se sentent pas responsables de sa destinée et sont portés à croire en son avenir, parce qu’ils semblent n’y pas être personnellement intéressés. Un sentiment contraire, qui devrait rendre plus indulgent pour un gouvernement qu’on a vu s’établir,