Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Antonelli, au sujet de l’organisation catholique d’où est née l’émotion religieuse en Hollande, est faite pour calmer bien des susceptibilités. Elle rend hommage au gouvernement hollandais actuel, repousse toute pensée d’immixtion dans les questions intérieures, et ajoute ce qui est vrai : c’est qu’en s’organisant, le culte catholique n’a fait que profiter d’un article de la constitution. Quant au serment prescrit aux évêques, le saint-siège lui-même reconnaît la nécessité de le changer dons les pays de cultes mêlés, afin d’ôter tout prétexte aux inquiétudes que pourrait faire naître la différence des religions. Ainsi les réclamations du gouvernement néerlandais sont déjà satisfaites sur ce point, et la note du cardinal Antonelli est empreinte d’un assez grand esprit de conciliation et de modération pour qu’il ne doive plus rester bientôt de traces de l’agitation religieuse récemment soulevée. C’est à la Hollande à faire le reste en ne s’écartant pas, dans la loi actuellement soumise aux états-généraux, de l’esprit de tolérance dont elle tire si justement orgueil comme d’une de ses traditions les plus chères. La Hollande a une histoire moins éclatante peut-être, mais plus sûre que bien d’autres pays, que le merveilleux fascine aisément, comme l’Italie par exemple.

L’Italie, depuis qu’elle est retombée dans la stagnation politique, n’offre plus les mêmes élémens d’intérêt ou de curiosité. Le Piémont seul a conservé l’activité normale de la vie constitutionnelle et libre, et en ce moment même vient de se clore à Turin une des plus longues et des plus laborieuses sessions législatives. Il y a quelques jours déjà que la chambre des députés ne se réunissait plus. Les dernières séances du sénat étaient consacrées à la discussion de la loi sur la navigation transatlantique, en vertu de laquelle un service régulier de paquebots va être établi entre Gênes et divers points de l’Amérique. Aujourd’hui enfin les travaux législatifs se trouvent légalement terminés pour le moment. C’est une session laborieuse qui vient de s’achever, disions-nous : le parlement piémontais en effet était resté réuni depuis le 19 novembre 1852 jusqu’à ces derniers jours sans interruption, et dans cet intervalle il a eu à discuter et à voler plus de cent projets de loi touchant aux intérêts les plus divers et les plus graves. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’aucune crise politique sérieuse n’est venue interrompre ces travaux, et cependant il y a des momens où le Piémont s’est trouvé dans des situations difficiles, qui étaient assez propres à réveiller les passions soit dans la chambre, soit au dehors, il suffit de rappeler notamment l’affaire des séquestres lombards. Les chambres piémontaises ont su éviter le piège des discussions irritantes pour rester dans le domaine des travaux utiles et pratiques. Budget, loi sur la contribution personnelle et mobilière, nouvelle réforme des tarifs de douanes, concession des biens domaniaux de Sardaigne, loi sur les sociétés anonymes et les assurances mutuelles, établissement de la ligne de navigation transatlantique, répression de la traite des noirs, télégraphie électrique, chemins de fer de Novare à Arona, de Gênes à Voltri, de Turin à Pinerolo, sans compter la ligne de Savoie, tels sont quelques-uns des plus sérieux objets que les chambres de Turin ont eu à régler législativement. Comme on voit, le régime constitutionnel n’est point si stérile et si infructueux pour le Piémont ; l’activité pratique vient se joindre au développement d’une liberté modérée, et les Piémontais doivent d’autant plus tenir à cette modération même dans l’usage de la liberté politique, qu’ils peuvent