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surtout le succès de ses efforts ? Justement à ce calme, à cette modération, à cet esprit de conduite qui l’ont accompagné depuis le jour où, jeune encore, il était le conseiller de Charles-Quint. Jusqu’au moment où victime dévouée à l’assassinat par la colère de Philippe II, il tombait sous le poignard de Gérard, après avoir mérité le nom de libérateur. Lui mort cependant, son œuvre restait debout, les Pays-Bas étaient indépendans et libres. Ces quelques années d’histoire, que raconte. M. Mahon dans Guillaume le Taciturne et les Pays-Bas, forment une période digne d’être observée comme contenant le germe des plus grands événemens. Ce petit peuple qui se trempe dans les mâles et vigoureuses luttes de son indépendance, c’est celui qui tiendra tête à Louis XIV ; ces gueux de mer que la rude main de Guillaume d’Orange discipline et pousse contre les flottes espagnoles, c’est le noyau de la marine hollandaise. Cet antagonisme déjà sensible entre les provinces du nord et celles du midi au sortir du joug de Philippe II, c’est toute l’histoire contemporaine, la séparation de la Hollande et de la Belgique. Ainsi les événemens se mêlent, s’engendrent, et le passé est la racine du présent. Il n’est point jusqu’aux difficultés religieuses les plus actuelles qui ne se fient encore à tout ce passé.

Ces difficultés religieuses sont l’incident le plus saillant de l’histoire de la Hollande aujourd’hui. On n’a point oublié que récemment, lors de l’ouverture des chambres, le roi avaiy fait pressentir la prochaine présentation d’une loi destinée à régler le principe constitutionnel de la liberté religieuse, en le faisant concorder avec la surveillance de l’état sur les divers cultes. Celle loi vient d’être présentée en effet à la seconde chambre des états-généraux, et la première impression, il but bien l’avouer, n’a point été des plus favorables. Ce n’est jamais un problème bien facile à résoudre, surtout en matière religieuse que de concilier la liberté avec la surveillance. Rien n’est plus aisé peut-être dans la pratique, lorsque la puissance civile et la puissance religieuse sont animées d’un égal esprit de modération. Le difficile est d’arriver à formuler cette transaction en projet de loi. Ainsi la loi nouvelle présentée par le cabinet hollandais pose bien le principe de la liberté entière des communions ; mais immédiatement suit, pour les divers cultes, l’obligation de soumettre, leur organisation à l’approbation de l’état, lequel peut évidemment en suspendre l’exécution. Le roi se réserve la faculté d’exiger un serment de fidélité et d’obéissance des ministres du culte qui auraient prêté un autre serment jugé dangereux. Ceci se rapporte au serment religieux des évêques. Les étrangers ne peuvent être admis à administrer le culte sans autorisation du gouvernement. Les sièges ecclésiastiques ne peuvent être établis sans l’approbation royale. Dans son ensemble, la loi nouvelle est certainement une application du mot qui a été dit autrefois : régler ; c’est restreindre. Qu’en sera-t-il de ce projet ? Jusqu’ici, son sort semble assez douteux. Les catholiques et les libéraux avancés le repoussent comme portant atteinte à la liberté religieuse. Les réformés historiques le considèrent avec une certaine défiance, parce qu’ils en craignent pour eux l’application ; les rétrogrades le trouvent trop modéré. Le parti conservateur ministériel l’appuie, mais sans déguiser la pensée d’y apporter des modifications sérieuses, de telle sorte qu’on ne saurait dire, encore comment le projet sortira des délibérations des chambres. Il sera sans nul doute adouci dans quelques-unes de ses dispositions : cela est d’autant plus probable, qu’une note récente du cardinal