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grandes renommées qui font la gloire des peuples. « Ne serions-nous pas heureux, s’écrie M. Brewster, de voir s’animer des tableaux photographiques, de voir Démosthènes lançant la foudre de son éloquence contre le roi de Macédoine, Brutus immolant César au pied de la statue de Pompée, saint Paul prêchant à Athènes, ou celui dont le nom n’a pas besoin d’être prononcé, dans l’attitude de la bonté et de la beauté céleste, proclamant la rédemption du genre humain ? Avec quel ravissement nous contemplerions ces vivifications si sympathiques et si divines ! Les héros et les sages des anciens temps, tout mortels qu’ils étaient, auraient pu être embaumés et seraient devenus plus impérissables que par les procédés de l’art égyptien, conservant les formes de la vie, des affections et de la puissance intellectuelle, et s’incarnant dans l’immortalité stéréoscopique bien mieux que dans les hideuses momies qui sauvent à grand’peine et bien incomplètement les dépouilles des rois de la corruption universelle. » S’il est une intelligence, un corps, une illustration qui ait mérité cette préservation pour l’éternité, c’est certainement l’auteur du stéréoscope, l’éminent physicien, l’infatigable doyen de la science optique, sir David Brewster.

Ceux qui ont visité à Londres la basilique sans rivale, de Westminster ou les invalides maritimes de Greenwich ont vu avec un sentiment douteux d’admiration les figures en cire de Marie Stuart ou de Nelson, avec une couche plus ou moins épaisse de charbon de terre indigène. Qu’on remplace ces figures à la Curtius par des stéréoscopes, objets d’art avouables par le bon goût et par l’imagination, et quelle galerie bien supérieure aux galeries historiques de Versailles on obtiendrait ! Et qu’on n’objecte pas la petitesse nécessaire des daguerréotypes et des stéréoscopes actuels ; je me suis assuré que M. Dubosq possède tous les élémens d’amplitude et de grossissement qui peuvent arriver, quand on voudra, à la grandeur naturelle, au full size, des personnages à représenter.

Le stéréoscope fait encore de la carte plate d’un pays un plan en relief qui en fait ressortir toute la géographie physique. La carte de la lune reproduit avec les ombres du premier et du dernier quartier les volcans, les cratères, les chaînes de montagnes, les coulées de laves, les entassemens de rocs, les fentes du terrain que l’on avait pris pour des fortifications, les cirques, les plaines basses, les pics isolés, enfin toute la topographie de cette planète secondaire, dont la carte, est beaucoup plus avancée, à une distance de 360,000 kilomètres, que la carte de l’Afrique, qui touche les populations musulmanes de la France.

Je ne Unirais pas si je voulais passer en revue tout ce que l’activité intellectuelle et industrielle a déjà fait pour le stéréoscope. Sous le titre de bioscope, M. Dubosq a introduit dans cet instrument le mouvement et la vie, et en combinant les effets du stéréoscope avec ceux de la persistance des images dans l’œil, on arrive à des effets dont tout ce qu’on rapporte de fabuleux sur l’antique magie ne peut approcher ; mais on perd en généralité d’effet ce qu’on gagne en merveilleux. La science la plus positive trouvera aussi un utile auxiliaire dans le stéréoscope. La superposition des objets doubles permet de jeter un fond bleu sur un rond rouge, et d’avoir par ce moyen un fond vert. Les physiciens savent ce qu’il y a encore à chercher sur le mélange