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des membres de l’institut de France (et notamment à l’auteur du présent article). Ces messieurs comprirent tout de suite la valeur de l’instrument, non-seulement comme un joujou amusant par ses effets magiques, mais encore comme un important auxiliaire pour les arts du dessin et pour la sculpture M. Dubosq se mit immédiatement à confectionner le nouveau stéréoscope, et exécuta en même temps une immense variété de beaux doubles daguerréotypes binoculaires sur des objets vivans ou inanimés, des hommes, des statues, des monumens d’architecture, des ornemens, des arbres, des bouquets de fleurs, des échantillons d’histoire naturelle, des solides et des figures de géométrie, etc., etc.. que des milliers de personnes s’empressèrent devenir contempler avec le nouvel instrument…

« Dans la belle collection d’instrumens de physique et d’optique que M. Dubosq-Soleil présenta à la grande exposition de Londres en 1850, et pour laquelle il reçut la grande médaille du conseil, il plaça un des stéréoscopes à lentilles de sir David Brewster avec une belle série de daguerréotypes binoculaires. Cet instrument attira particulièrement l’attention de la reine, et M. Dubosq exécuta un beau stéréoscope qui fut, offert en son nom à sa majesté par sir David Brewster. Par suite de cette exposition, M. Dubosq reçut une immense commande de stéréoscopes Brewster qui furent introduits en ce pays (l’Angleterre). La demande devint néanmoins telle que des opticiens anglais se consacrèrent exclusivement à la manufacture des stéréoscopes, et en débitèrent en quelques mois plusieurs centaines, sinon plusieurs mille. Des sculpteurs entrevirent l’application du stéréoscope à leur art, et nous avons récemment appris de Paris qu’un artiste distingué de cette capitale a modelé une statue d’après le relief produit par le stéréoscope. »

Après s’être plaint de quelques journalistes qui ont parlé du stéréoscope Brewster sans en nommer l’auteur, l’illustre patriarche des savans anglais procède à la théorie de l’instrument, qui nous semble fort simple, quand on veut bien la rapporter à la vision naturelle, comme nous l’avons dit plus haut. L’article du savant, associé étranger de l’Institut de France contient sur la formation des images photographiques par des lentilles d’une ouverture plus ou moins grande un incroyable contre-sens scientifique, développé avec une complaisance non moins étonnante, et qui ne peut être attribué qu’à une inadvertance favorisée par l’éloignement des académies et des contradicteurs empressés qu’elles fournissent complaisamment et en abondance.

Voici donc pour tout le monde et en peu de mots la théorie, ou, pour parler moins superbement, le secret des effets magiques du stéréoscope. Quand nous regardons un objet ordinaire avec les deux yeux, nous le voyons tel qu’il est, saillant, solide, en relief. Nous faisons du relief, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir, et la preuve, c’est que quand on veut approfondir pourquoi la vision par les deux yeux nous donne la sensation, la perception du relief, on rencontre plusieurs opinions fondées les unes sur la physique des sens, les autres sur les notions que l’intelligence, aidée du tact, aurait introduites dans l’habitude des jugemens de l’organe ; heureusement la théorie du stéréoscope n’a pas besoin de remonter si haut.

Tout le monde conçoit en effet que, puisque la vision par les deux yeux nous donne le sentiment du relief, on produirait ce même résultat en introduisant