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Ainsi un habitant des îles Sandwich, ou du Japon, ou des antipodes (à la Nouvelle-Zélande) peut désormais envoyer à un sculpteur de Paris une double plaque daguerrienne (où n’y a-t-il pas maintenant un daguerréotype ?), et il recevra son buste aussi bien modelé que s’il eût fait lui-même le voyage de Paris. Strictement parlant, avec le stéréoscope, une plaque, un dessin pesant un petit nombre de grammes, deviennent l’équivalent d’un buste difficile à transporter, à placer, à éclairer convenablement.

Un mot sur l’histoire du stéréoscope.

Le nom et une première esquisse de l’instrument appartiennent à un Anglais, M. Whealstone, physicien de premier ordre et célèbre pour sa mesure de la vitesse de l’électricité, qu’il a trouvée être du même ordre que la vitesse de la lumière, laquelle ferait en une seconde sept ou huit fois le tour de la terre. M. Wheatstone a été aussi l’un des premiers et des plus habiles établisseurs des télégraphes électriques. Avant 1838, M. Wheatstone eut l’idée de prendre deux miroirs, de les assembler comme le sont deux couvertures d’un livre relié que l’on ouvre à moitié, et, mettant tout près du nez la ligne de jonction des deux miroirs, de regarder avec chaque œil dans chaque miroir deux dessins placés l’un à droite, l’autre à gauche de l’observateur. Lorsque celui-ci était parvenu à saisir la superposition des deux reflets des miroirs, alors l’effet du relief apparaissait ; mais, comme l’a très bien dit M. Brewster, l’auteur du vrai stéréoscope populaire, c’était plutôt un appareil qu’un instrument, et cette belle invention fut oubliée pendant dix ou douze ans. Sir David Brewster, tout en réclamant sa part comme auteur du stéréoscope usuel à tuyaux oculaires avec verres grossissans, etc., rend pleine justice à son célèbre et habile compatriote ! L’érudition, toujours un peu jalouse du mérite contemporain, n’a pas manqué de remonter à Léonard de Vinci et même à Galien pour trouver des observations relatives à la vision par les deux yeux, d’où, avec un peu de complaisance, on conclurait que ni M. Wheatstone ni M. Brewster ne sont les premiers inventeurs du stéréoscope, ni M. Jules Dubosq, de Paris, le premier grand constructeur dobt les stéréoscopes à l’exposition de Londres aient fixé l’attention de la grande reine d’Angleterre. On irait jusqu’à trouver le nom du constructeur babylonien qui, sur les bords de l’Euphrate ou du Tigre, a présenté un stéréoscope à la fameuse Sémiramis, à l’exposition de l’an 1851 avant notre ère ; mais laissons parler sir David Brewster lui-même, qui, ayant été élu associé étranger de l’Institut de France (la plus haute marque de considération que puisse recevoir un savant sur cette planète), visita la France en 1850, et vint prendre place aux fauteuils académiques du palais des Beaux-Arts. L’article dont nous citons un extrait est de M. Brewster, bien que le savant Anglais n’y prenne pas la parole en son nom :

« Après avoir essayé, mais en vain, d’engager quelques-uns des opticiens ou des photographes de Londres à construire son stéréoscope et des doubles daguerréotypes pour cet instrument, M. Brewster apporta à Paris, au printemps de 1850, un très bel instrument exécuté par Loudon, opticien à Dundee, et un portrait binoculaire fait par lui-même. Il montra cet instrument à M. l’abbé Moigno, l’auteur distingué de l’ouvrage intitulé l’Optique moderne, à M. Soleil et à M. Dubosq-Soleil, éminens opticiens de Paris, ainsi qu’à quelques-uns