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Attablés en buvant sur le seuil de l’auberge,
Puis chacun va dormir sous ses rideaux de serge.
Le dimanche, après messe et vêpres et sermon,
Les boules bruyamment courent sur le gazon.
Dans mon heureuse enfance ainsi vivaient nos pères :
Les fronts étaient joyeux, les mœurs étant sincères…
Oh ! par les citadins nos champs sont envahis !
Mais nos souliers ferrés vont-ils dans vos pays,
Hommes vains et légers, et vous, ces élégantes
Par qui nos libres sœurs deviennent des servantes ?
Ah ! si là, dans ce fond, j’en voyais un marcher,
Ma main ferait bondir sur ses pas ce rocher !…
Non, adieu. Dans mon cœur n’allumons point la haine,
Et de retour, Seigneur, à la saison prochaine,
Que, passant mon chemin sans me voir coudoyer,
Je retrouve la paix assise à mon foyer ! »

Il partait, mais Odette avait suivi son frère :
— « Vous me quittez, dit-elle, et vous quittez la mère ? »
Puis elle s’arrêta, triste, sur le chemin,
Attendant sa réponse : il lui tendit la main,
D’une larme il mouilla ce gracieux visage,
Et sans autre parole : « O ma sœur, soyez sage ! »

Il s’enfuit, et bientôt la poudre des sentiers
D’un nuage blanchâtre enveloppait ses pieds.


II.

L’ÉGLISE.


Après six jours d’ennuis et de rudes travaux
Pour le pain nécessaire et pour tant d’autres maux,
Il est doux, lorsque luit le matin du dimanche,
De voir en beau costume, habit bleu, coeffe blanche,
À la messe du bourg venir ces travailleurs :
Ils marchent sérieux par les sentiers en fleurs,
À travers les grands blés, au bord des vertes haies,
Humant à pleins poumons la senteur des futaies,
Et ravivés par l’air, l’aspect de chaque lieu,
Ils entrent sourians dans la maison de Dieu.