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ceux-ci préparent ces cigares si renommés qu’on fume ou qu’on croit fumer dans toutes les parties du monde. Les chemins de fer, en se multipliant dans l’île de Cuba, augmenteront les bénéfices des petits planteurs en les soustrayant à l’impôt que lèvent sur eux les courtiers ambulans, et en leur permettant d’envoyer directement les feuilles de tabac à La Havane ou dans les autres villes. Il est certain qu’il se fume en Europe beaucoup de cigares qui portent le nom de cette capitale et qui ont une tout autre origine. Cependant il faut reconnaître que de médiocres cigares peuvent venir réellement de Cuba. Il y a pour le tabac, comme pour le vin, des crus, des qualités diverses. Le vin de Suresne est français aussi bien que le vin de Bordeaux, et il arrive à La Havane des différentes parties de l’île, des feuilles de tabac qui sont loin de se valoir.

Il se produit dans le monde environ 374 millions de livres de tabac, dans lesquels Cuba ne figure que pour 10 millions. Les États-Unis en fournissent 219 millions, et l’Europe 136, dont la Russie 21 millions, la France 20 millions, et l’Allemagne plus de 40 millions. Quant à la consommation, l’Allemagne tient encore le premier rang parmi les états européens ; sa consommation en tabac s’élève à une valeur de 45 millions de livres sterling, celle de l’empire britannique à 21 millions. Chose singulière, il parait qu’eu égard à la population, c’est la nation anglaise qui fume le plus, la masfumadora, dit la statistique havanaise que j’ai sous les yeux. La France, qui a presque le double d’habitans, n’y figure que pour la moitié, c’est-à-dire pour une valeur de 10 millions. L’Espagne fume très peu de tabac de Cuba, car il est frappé à son entrée dans le royaume d’un droit assez élevé. C’est un des griefs de Cuba.

La consommation du tabac augmente rapidement partout. On sait que chaque année en France la perception de l’impôt sur cette matière donne un produit plus considérable. En Angleterre, on a importé pour la consommation près de 4 millions de livres du plus en 1852 qu’en 1851[1]. À New-York, on dépense moins pour le pain que pour le tabac[2]. Il faut remarquer que, conformément au principe démocratique, les cigares de luxe y sont frappés de droits assez loris, et sont par conséquent un peu chers, tandis que le tabac commun y est au contraire à bas prix.

C’est un fait bien curieux que l’usage universel dans le monde de cette plante, dont on ne connaissait pas l’existence il y a trois cent

  1. En 1851, 27,853,253 livres ; en 1852, 31,049,654 livres. Galignani’s Messenger, 2 août 1852.
  2. En 1838, on dépensait dans cette ville pour le pain 3,493,050 dollars, et pour la tabac, 3,650,000 dollars. American Almanack, 1838. — Cette différence n’a pu qu’augmenter depuis.