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attaques impétueuses, hardies, véritables coups de main à la sauvage, qui ressemblaient un peu aux invasions des anciens Normands. Les Indiens, une fois animés au combat, s’y mêlaient avec enthousiasme, avec rage, sans prévoir qu’ils finiraient par être eux-mêmes la proie du vainqueur, s’ils ne périssaient pas les premiers dans ces luttes acharnées. Pour ces barbares, il ne s’agissait pas de contraindre une nation rivale à se renfermer dans les limites de son territoire, mais bien d’anéantir une tribu ennemie, de diminuer le nombre des chasseurs et des guerriers répandus dans les forêts, un épisode de cette guerre même fait voir jusqu’où pouvait aller la férocité de ces dangereux alliés. À l’ouest du lac Michigan, dans les savanes, vivait la nation des Outougamis, vulgairement appelés les Renards. Ces Renards, moins rusés que les Iroquois, mais devenus odieux à tous les autres Indiens par leur mauvaise foi et leurs rapines, promirent aux Anglais, dont ils avaient accepté l’alliance, de brûler l’établissement canadien de Détroit. Dans le fort de cette petite ville, il n’y avait alors que trente Français ; mais à leur appel 600 Indiens de diverses tribus se hâtèrent d’accourir. Les Renards, cernés dans leur camp, qu’ils avaient entouré de palissades, comprirent qu’il ne leur restait plus de salut que dans la fuite. Ils essayèrent de s’échapper à la faveur d’une nuit orageuse. Surpris dans leur retraite par l’ennemi, qui faisait bonne garde autour du camp, ils furent entourés et massacrés jusqu’au dernier. Guerriers, femmes, enfans, la tribu entière des Outougamis fut anéantie en quelques heures.

Le traité d’Utrecht, survenu en 1713, fut plus funeste au Canada que ces tristes guerres dont la colonie supportait si héroïquement les chances diverses. Louis XIV cédait à l’Angleterre la baie d’Hudson, l’île de Terre-Neuve, l’Acadie, renonçait à ses droits sur le pays des Iroquois. Il restait donc à la France l’embouchure du Mississipi où la colonisation n’avançait pas, l’embouchure du Saint-Laurent avec les rives du fleuve ; mais le Canada se trouvait de toutes parts menacé et cerné par un ennemi puissant qui recevait des renforts nombreux. Ce fut pour remédier en quelque manière à ce fatal traité que de sages esprits conçurent la pensée de fonder une colonie nouvelle au Cap-Breton, situé au midi de l’île de Terre-Neuve, dont il est séparé par une des bouches du Saint-Laurent, large d’environ quinze lieues ; on y bâtit la ville de Louisbourg, qui ne coûta pas moins de 30 millions de francs à fortifier, et cependant on n’y exerçait pas d’autre industrie que celle de la pêche. Malgré l’importance que prit peu à peu cet établissement, il n’était guère de nature à consoler le Canada des pertes immenses qu’il venait d’éprouver. Il ne dut qu’à l’imprudence même des Anglais un assez rapide accroissement de population. À cette époque, le gouverneur anglais de l’Acadie